Les histoires de pêche d’Yvon Marchand
LOISIRS. « Pourquoi j’aime la pêche à la mouche? Je ne suis pas un pêcheur au lancer léger. Je n’aime pas ça. Mon gars tripe là-dessus, mais moi, ça ne vient pas me chercher. Je suis un chasseur. La pêche à la mouche, c’est une chasse », lance avec conviction Yvon Marchand, un pêcheur passionné qui monte ses mouches comme ses cannes depuis près de 50 ans.
Détenteur d’un savoir-faire qui se transmet de moins en moins, le Latuquois est allé ce printemps à la rencontrer des élèves de l’École forestière de La Tuque (EFLT) pour un cours d’initiation sur la fabrication d’une mouche.
La mouche, c’est le nom donné au leurre dans ce type de pêche. Il peut imiter un insecte volant, mais aussi un poisson, une grenouille, une petite souris, etc. Elle peut être montée avec des matériaux synthétiques comme du crystal flash qu’on combine avec des matières prélevées sur des proies comme des poils de queue de chevreuil, de la barbe de coq, de la peau de lapin teinte en rouge, etc.
Qu’elle soit flottante ou noyée (dans l’eau), la mouche peut attraper tout type de poissons selon la façon dont elle a été montée ou sa taille. « On joue avec les couleurs en tenant compte de l’endroit où on va pêcher. Sur les rivières de la Côte-Nord ou ici en Mauricie sur la rivière Saint-Maurice, les eaux sont brunes parce qu’il y a de pyrite de fer dans les montagnes. Sur la Rive-Sud du Saint-Laurent, l’eau est translucide parce que les Appalaches sont d’une teneur en calcaire très élevé. »
De Denis Lalonde à Lee Wulff
Dans une chaloupe, Yvon Marchand observe un rituel qui agace parfois ses compagnons de pêche. « Le premier poisson que j’attrape, je le remets à l’eau. Une fois, les gars m’ont traité de fou parce que j’avais remis à l’eau un achigan de 4 livres. Moi, je ne suis pas un videux de lac. Avec la pêche à la mouche, le dévolu est mis sur tellement d’autres affaires que d’attraper le poisson. Quand je suis rendu dans la chaloupe, le plaisir est presque déjà fini », raconte cet ancien professeur de l’EFLT qui a été initié à ce type de pêche à l’âge de 17 ans par un collègue de classe.
« Il s’appelait Denis Lalonde. Son père écrivait pour la revue Québec Chasse & Pêche. C’était un gars de Verdun, mais il étudiait à La Tuque. Il montait des mouches et sa clientèle venait de partout au Québec », se rappelle le Latuquois qui a participé par la suite à plusieurs expéditions de pêche avec son mentor devenu ami.
« Pour te dire son savoir-faire, Denis a déjà pêché le saumon dans la rivière Sainte-Marguerite avec Lee Wulff, une légende de la pêche à la mouche aux États-Unis. Il a même une mouche qui porte le nom Lee Wulff », explique Yvon Marchand.
Un saumon de 28 livres et demi
Jusqu’à il y a quatre ans, le Latuquois possédait le record du plus gros saumon de l’Atlantique capturé dans la rivière Anse-Saint-Jean, dans la région du Lac-Saint-Jean. Une »bête » de 28 livres et demi leurrée par une mouche que Yvon Marchand conserve encore précieusement. « Le saumon de l’Atlantique, c’est le roi des poissons, c’est le King Fish comme on l’appelle. Même les pêcheurs du Pacifique qui en ont du saumon viennent ici pour essayer de l’attraper tellement c’est un adversaire coriace. »
À l’entendre, on constate tout de suite que le Latuquois est davantage intéressé par le combat avec le poisson qu’à sa capture. Une philosophie qui cadre bien avec la mentalité des pêcheurs à la mouche. « Il faut que tu trouves où est-ce qu’il se cache puis tu vas le moucher. Il vient voir puis s’en retourne. Tu le laisses tranquille pis tu reviens avec une mouche un peu plus petite. Il faut être patient. Pêcher à la mouche, c’est un autre vision de pêcher avec des vers », explique Yvon Marchand.
Le Latuquois apprécie l’opportunité qu’on lui donne de transmettre son savoir-faire à la jeune génération. « Il y avait un jour un Français à l’École forestière qui ne voulait rien savoir de la pêche. Une fois que je lui ai expliqué ma vision de la pêche et comment faire des mouches. Il a complètement revu sa façon de penser. Aujourd’hui, il fait ses mouches lui-même. C’est ça l’approche qu’on doit avoir en 2023. Il faut arrêter de vouloir vider les lacs ou les rivières. Trouve-toi juste ce que tu as besoin pour te nourrir, mais surtout, nourrit donc ta passion », termine Yvon Marchand.