Contrer la violence conjugale, même au travail

COMMUNAUTÉ. Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, dont fait partie Le Toit de l’amitié à La Tuque, a créé le programme Milieux de travail alliés contre la violence conjugale. Après avoir formé les intervenantes des maisons, c’est au tour de ces dernières d’aller dans les milieux de travail pour former les employeurs pour qu’ils puissent intervenir auprès de leurs employées.

« Le but, c’est de sensibiliser les employeurs et qu’ils mettent des mesures en place pour protéger leurs employées », précise Karen Macdonald, agente de développement et sensibilisation au Toit de l’amitié.

Mme MacDonald et sa collègue Dominique Poitras, responsable clinique au Toit de l’amitié, sont toutes deux accréditées pour former les employeurs et les employées sur l’ensemble du territoire de la Mauricie pour que leur milieu de travail devienne allié contre la violence conjugale.

Jusqu’à présent, seulement deux entreprises de La Tuque et le Cégep de Shawinigan ont reçu leur certificat de milieu allié. Le 8 octobre dernier, une première entreprise de Trois-Rivières a reçu sa certification, soit le CPE Entre deux nuages.

« On veut que les gestionnaires s’inspirent un peu du CPE Entre deux nuages qui a décidé d’adhérer à Milieu de travail allié. On aimerait que les syndicats et les entreprises adhèrent, nous contactent au Toit de l’amitié à La Tuque pour recevoir toute l’information pour protéger leurs employés, d’autant plus que c’est une obligation par la loi, d’offrir cette aide-là », mentionne Mme MacDonald.

« Il faut qu’on mette des choses en place en tant que gestionnaire, enchaine Patricia Rouleau, directrice générale du CPE Entre deux nuages. C’était un des sujets présentés par notre mutuelle de prévention, alors on a fait des démarches en ce sens. »

Mme Rouleau affirme d’emblée que le processus s’est facilement déroulé. Tout d’abord, elle a eu accès à une formation pour devenir une personne-ressource, avant d’offrir la formation à son équipe de travail afin de la conscientiser, elle aussi, sur ce qu’est la violence conjugale. Finalement, une politique en matière de violence conjugale a été adoptée et un plan d’accompagnement a été mis en place.

« Toute la documentation était fournie, alors je n’avais pas besoin d’inventer quoi que ce soit. Ça a été très facile à faire! Honnêtement, c’est un beau processus », renchérit la directrice du CPE. Le programme inclut des conférences de sensibilisation et de formation sur mesure, un guide pratique et des outils clé en main, un accompagnement personnalisé et une certification.

L’importance des milieux alliés

Karen MacDonald explique qu’une femme sur trois vivra de la violence conjugale au cours de sa vie. « Même si on n’en vit pas, on connait tous, de près ou de loin, quelqu’un qui en vivra », insiste Mme MacDonald. De plus, ce sont 71 % des employeurs qui ont déjà vécu une situation où ils devaient protéger une victime de violence conjugale sur le lieu de travail.

Pour devenir un allié, il est essentiel de reconnaître les manifestations de la violence conjugale et de comprendre ses conséquences. Mme MacDonald rappelle que la violence conjugale existe sous différentes formes et qu’elle n’est pas nécessairement apparente. « Il y a de la violence psychologique, verbale, économique, sexuelle, sociale. Il y a du contrôle coercitif, aussi », explique Mme MacDonald. Le contrôle coercitif survient lorsque l’agresseur régule et surveille les activités quotidiennes de sa conjointe et de ses enfants, et que ce contrôle continue de s’exercer même en son absence. C’est probablement la nouvelle connaissance qui a le plus marqué Patricia Rouleau et son équipe du CPE, d’ailleurs. « Ce sont des choses dont on ne se rend pas compte avant de mettre des mots dessus », explique Mme Rouleau.

« C’est tout le processus qui est vraiment marquant et qui nous rappelle qu’il faut faire une différence », ajoute-t-elle.

« C’est très important pour la femme de conserver son emploi, car il s’agit de son indépendance financière. Cependant, les employeurs ne savent pas toujours ce qu’une femme vite, explique-t-elle. Elle risque même d’être congédiée plutôt que d’obtenir le soutien dont elle a besoin. »

Ainsi, en rencontrant les femmes dans leur milieu de travail, on leur montre ce que leur employeur a mis en place pour elles. « On vient sécuriser les femmes qui vivent de la violence conjugale, parce qu’elles savent qu’elles peuvent compter sur leur employeur et qu’il a formé des personnes-ressources à l’interne », assure Mme MacDonald.

Car derrière une employée toujours en retard, qui est souvent dans la lune, qui n’est pas concentrée et qui peine à accomplir son travail se cache peut-être de la violence conjugale, et ce sont des indices qui gagnent à être reconnus en milieu de travail. Face à certains de ces comportements, les collègues de travail pourraient même avoir tendance à juger la personne comme étant négligente, peu sociable ou paresseuse.

« On espère que les membres de l’équipe du CPE Entre deux nuages soient les pionniers dans la ville de Trois-Rivières et que les gens vont emboîter le pas », conclut Mme MacDonald.