Lionel Carmant est indigné par les abus sexuels signalés à Cité-des-Prairies

MONTRÉAL — «Ça lève le cœur, il n’y a pas d’autres mots, ça lève le cœur; l’abus sexuel par des personnes en pouvoir, c’est intolérable, intolérable dans tous les milieux.»

Le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, manquait de mots vendredi pour exprimer son indignation face aux révélations du quotidien La Presse selon lesquelles au moins neuf éducatrices du Centre de réadaptation Cité-des-Prairies ont eu des échanges sexuels avec au moins cinq résidents mineurs.

Lionel Carmant, à qui incombe la responsabilité des Centres jeunesse, a dit avoir été informé de la situation la semaine dernière et avoir aussitôt demandé une enquête policière «parce que ce qu’ils ont fait ces gens-là, c’est criminel et c’est important qu’il y ait une enquête et que les conséquences soient la hauteur des gestes qui ont été commis». L’abus sexuel par des personnes en pouvoir, a-t-il rappelé, «c’est un problème qui dépasse la DPJ (Direction de la protection de la jeunesse)».

Les cas les plus lourds

«Cité-des-Prairies est le centre jeunesse recevant les cas de DPJ (Direction de la protection de la jeunesse) les plus complexes de la région de Montréal», précise le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, dans un courriel envoyé à La Presse Canadienne. Plusieurs des jeunes contrevenants, pour la plupart mineurs, ont commis des crimes majeurs tels des meurtres, du trafic d’armes ou de stupéfiants.

Le CIUSSS confirme avoir déclenché «une enquête interne et indépendante à la suite d’un signalement à propos de geste à caractère sexuel concernant un jeune usager hébergé à CDP», enquête qui aura donc largement dépassé le cas du signalement initial.

«C’est incompréhensible»

Jusqu’ici, l’enquête interne a mené à la suspension ou au congédiement des neuf éducatrices concernées et les deux gestionnaires de qui elles relevaient ont été suspendus. Le ministre était bien à mal d’expliquer comment des gestionnaires aient pu ne pas être au courant d’un phénomène impliquant autant d’employés, ou pire encore, qu’ils l’aient toléré: «Ça, effectivement, c’est incompréhensible, c’est incompréhensible. C’est pour ça qu’ils ont été suspendus. On va attendre les conclusions de l’enquête pour voir qu’est-ce qui doit être fait. Mais c’est inacceptable que les gens ferment les yeux sur des gestes comme ça.»

Il rappelle que la directrice nationale de la protection de la jeunesse a lancé cet été «un grand chantier de révision des pratiques des centres de jeunesse (…) parce que oui, il faut changer le modèle», reconnaît-il devant ce nouveau raté.

Perte de contrôle

À Québec, l’opposition libérale a accusé Lionel Carmant d’avoir perdu le contrôle du réseau. Se disant «dégoutée par le drame de Cité-des-Prairies», la porte-parole de l’opposition officielle en matière de protection de la jeunesse, Brigitte Garceau, affirme que «les histoires scandaleuses ne cessent de s’accumuler dans le réseau de la DPJ» dont le ministre Carmant est responsable depuis six ans.

Mme Garceau lui reproche de toujours se montrer «profondément touché» par les événements, mais de ne rien par la suite et réclame une enquête dans tous les centres jeunesse et de réadaptation.

Lionel Carmant réplique qu’il n’a pas perdu le contrôle et souligne que «la plupart des intervenants sont bienveillants, sont là pour les bonnes raisons». S’il devait y en avoir qui ne sont pas là pour des bonnes raisons, «je leur dis de réfléchir à leur avenir. Ce n’est pas leur place d’être à la protection de la jeunesse.»

Le ministre doit «mettre son poing sur la table»

De son côté, le porte-parole péquiste en la matière, Joël Arseneau, souligne le nombre de personnes impliquées et s’interroge sur le fait qu’un tel système apparemment structuré ait pu exister dans un centre de réadaptation.

M. Arseneau fait montre d’une certaine stupéfaction d’apprendre que le ministre n’ait été informé que la semaine dernière alors que le premier signalement date du mois d’août. S’il est difficile de blâmer quelqu’un qui n’avait pas l’information, le député des Îles-de-la-Madeleine estime que M. Carmant «doit rencontrer les dirigeants du réseau et des gestionnaires de terrain et mettre son poing sur la table et dire que ça suffit: le ministre doit être au courant de ce qui se passe.»