La Russie aurait voulu incendier des avions-cargos

Les responsables occidentaux de la sécurité soupçonnent les services de renseignement russes d’être à l’origine d’un complot visant à placer des engins incendiaires dans des colis à bord d’avions-cargos à destination de l’Amérique du Nord, dont l’un a pris feu dans un entrepôt de messagerie en Allemagne et l’autre s’est enflammé dans un entrepôt en Angleterre.

La Pologne a déclaré le mois dernier qu’elle avait arrêté quatre personnes soupçonnées d’être liées à une opération de renseignement étrangère ayant mené des actions de sabotage et qu’elle en recherchait deux autres. La procureure générale de Lituanie, Nida Grunskiene, a déclaré mardi qu’un nombre indéterminé de personnes étaient détenues dans plusieurs pays, sans donner plus de détails.

Ces événements surviennent alors que des responsables occidentaux affirment assister à une intensification de la guerre hybride de sabotage menée par la Russie à l’encontre des alliés de l’Ukraine, notamment par la désinformation électorale et les incendies criminels survenus en Europe cette année. Plusieurs responsables ont déclaré qu’ils pensaient que les attaques étaient l’œuvre des services de renseignement militaire russes, le GRU, bien que Moscou ait nié toute implication.

L’agence polonaise de sécurité intérieure, ou ABW, affirme que les incidents en Pologne, ainsi que dans d’autres pays membres de l’UE et de l’OTAN, se sont intensifiés cette année. L’ABW pense qu’ils sont initiés et coordonnés par les services spéciaux russes. À ce jour, vingt personnes ont été inculpées dans le cadre d’enquêtes menées par le ministère public, l’ABW et la police.

La procureure polonaise Katarzyna Calów-Jaszewska a précisé que l’enquête se concentrait sur des agents étrangers menant des actes de sabotage, notamment en endommageant des installations industrielles ou des infrastructures critiques telles que des aéroports, des avions et d’autres véhicules, ainsi que des incendies criminels en utilisant des colis auto-combustibles envoyés aux pays de l’UE et au Royaume-Uni, qui s’enflammeraient pendant le transport par route ou par air.

Elle a ajouté que le groupe avait testé un canal pour envoyer de tels colis aux États-Unis et au Canada.

Le Wall Street Journal a été le premier à révéler les détails des incidents survenus dans les avions-cargos.

L’administration américaine chargée de la sécurité des transports a indiqué qu’elle avait mis en place des mesures de sécurité supplémentaires ces derniers mois pour certaines cargaisons à destination des États-Unis.

«Nous ajustons continuellement notre dispositif de sécurité en fonction des besoins et nous partageons rapidement toutes les informations pertinentes avec nos partenaires de l’industrie, y compris les exigences et les recommandations qui les aident à réduire les risques», a assuré la TSA.

Dirk Heinrichs, porte-parole de DHL en Allemagne, a déclaré par courriel à l’Associated Press que la société ne pouvait pas fournir de détails sur l’affaire, mais qu’elle «coopérait pleinement avec les autorités compétentes pour protéger son personnel, son réseau et les envois de ses clients».

Le mois dernier, le chef du MI5, l’agence britannique de renseignement intérieur, a prévenu que le Royaume-Uni était confronté à une «augmentation stupéfiante» des tentatives d’assassinat, de sabotage et d’autres crimes sur son sol, de la part de la Russie et de l’Iran.

Mme Calów-Jaszewska a déclaré le 25 octobre que des colis contenant des explosifs camouflés avaient été envoyés à des pays de l’UE et au Royaume-Uni par l’intermédiaire de sociétés de fret afin de «tester le canal de transfert de ces colis», qui étaient en fin de compte destinés aux États-Unis et au Canada.

Les engins incendiaires en Allemagne et au Royaume-Uni ont tous deux été mis à feu en juillet.

Selon Thomas Haldenwang, chef des services de renseignement allemands, l’un d’eux a été utilisé lors d’une escale dans un centre logistique de DHL situé dans un aéroport de la ville de Leipzig. L’agence de presse allemande dpa a rapporté que le vol de correspondance contenant le colis, qui provenait de l’un des pays baltes, a été retardé à Leipzig et était au sol lorsqu’il s’est enflammé et a mis le feu à un conteneur de fret.

La police antiterroriste britannique cherche à savoir si des agents russes sont à l’origine d’un engin incendiaire contenu dans un colis qui a pris feu dans un entrepôt de DHL à Minworth, près de Birmingham, dans le centre de l’Angleterre, le 22 juillet. L’incident, d’abord rapporté par le journal The Guardian et les chaînes de télévision allemandes, est similaire à celui qui s’est produit en Allemagne.

Le journal polonais Gazeta Wyborcza a également rapporté qu’un incendie s’était déclaré dans un camion de messagerie près de Varsovie.

«Nous observons des actions agressives de la part des services de renseignement russes. En particulier, l’espionnage et le sabotage russes en Allemagne sont en augmentation, tant sur le plan quantitatif que qualitatif», a déclaré M. Haldenwang au Budestag, le parlement allemand, le mois dernier, alors qu’il discutait de l’incident de Leipzig.

«Les activités des services de renseignement russes dans le monde réel et dans le cyberespace montrent que l’Allemagne est au cœur de la guerre hybride menée par la Russie contre les démocraties occidentales, a-t-il ajouté.

«La Russie utilise toute sa panoplie d’outils : de l’influence sur les discussions politiques en Allemagne aux cyberattaques contre les infrastructures critiques et au sabotage. La volonté de la Russie de recourir à la force prouve qu’elle est également prête à mettre des vies humaines en danger.»

Dans un rare discours public exposant les principales menaces pesant sur le Royaume-Uni, le directeur général du MI5, Ken McCallum, a déclaré que «le GRU, en particulier, est en mission permanente pour semer le désordre dans les rues britanniques et européennes : Nous avons vu des incendies criminels, des sabotages et bien d’autres choses encore. Des actions dangereuses menées avec une insouciance croissante».

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a qualifié mardi les informations diffusées par les médias sur le prétendu complot de sabotage d’exemple de «vague fabrication».