Les Portoricains bravent la pluie pour aller voter, mais pas pour la présidentielle
Les élections à Porto Rico seront historiques, quel que soit le vainqueur au poste de gouverneur du territoire américain.
Si la victoire va à Jenniffer González, du Nouveau Parti progressiste, favorable à ce que le territoire devienne un État américain, ce sera la première fois dans l’histoire de l’île que ce parti obtient trois mandats consécutifs.
Si la victoire va à Juan Dalmau, qui se présente pour le Parti indépendantiste portoricain et le Mouvement pour la victoire citoyenne, ce sera la première victoire d’un candidat en dehors des deux principaux partis qui dominent la politique de l’île depuis des décennies.
Derrière eux dans les sondages se trouve Jesús Manuel Ortiz, du Parti populaire démocrate, qui soutient le statut territorial de l’île. Javier Jiménez, du Projet Dignité, un parti conservateur créé en 2019, figure aussi sur les bulletins.
Par ailleurs, les Portoricains pourront mardi, s’ils le souhaitent, soutenir Kamala Harris ou Donald Trump lors d’un vote à la présidentielle, mais purement symbolique. Bien que les Portoricains soient citoyens américains, ceux qui vivent sur l’île ne sont pas autorisés à voter aux élections présidentielles américaines.
Des milliers d’électeurs à travers ce territoire américain ont fait la queue sous des parapluies, sans se laisser décourager par les fortes pluies. «Je sens que, pour la première fois, il y a une occasion de changement», a déclaré Jorge Hernández, un étudiant en arts de 24 ans, alors qu’il attendait pour voter. «Le bipartisme perd de sa force. Je suis convaincu qu’un véritable changement peut se produire.»
Pendant des décennies, le Nouveau Parti progressiste et le Parti populaire démocrate recueillaient au moins 90 % des voix, mais cela a commencé à changer en 2016. Les nouveaux partis attirent davantage d’électeurs étant donné les turbulences économiques et politiques à Porto Rico, tandis qu’une jeune génération dénonce la corruption, les pannes de courant persistantes et le manque de logements abordables, entre autres.
La vedette du reggaeton Bad Bunny
L’éducation, la santé et la sécurité publique étaient également au cœur des préoccupations des électeurs, qui n’en revenaient pas des longues files d’attente malgré la pluie.
«Je n’ai jamais vu ça comme ça», a déclaré Nadja Oquendo, une retraitée de 62 ans.
Faviola Alcalá, une surfeuse professionnelle, a indiqué qu’elle votait pour la première fois et qu’elle était ravie de voir la file d’attente devant son bureau de vote.
«J’adore ça», a-t-elle ajouté, soulignant qu’elle souhaite une pause avec les deux principaux partis de Porto Rico et plus d’opportunités pour les jeunes.
Parmi les électeurs qui ont bravé la pluie pour voter, la grande vedette du reggaeton Bad Bunny, qui a tourné en dérision le parti pro-État et a fait une brève apparition lors de la clôture de la campagne de Juan Dalmau.
«Je suis convaincu que nous, la population de Porto Rico, prendrons la bonne décision pour l’avenir de notre peuple», a-t-il déclaré aux journalistes.
Des résultats retardés
De longues files d’attente ont été signalées dans plusieurs bureaux de vote en raison de dysfonctionnements des machines à voter et d’autres problèmes, notamment des pannes de courant.
Certains électeurs ont activé le minuteur de leur téléphone pour voir combien de temps ils ont fait la queue tandis que d’autres grignotaient des en-cas pendant qu’un vendeur ambulant criait: «De l’eau froide! De l’eau froide!»
Ommy González, un barman de 25 ans qui votait pour la première fois, portait une chaise pliante et une bouteille d’eau.
«Je suis très enthousiaste, a-t-il déclaré. Évidemment, nous voulons quelque chose de différent pour les gens.»
M. González a expliqué qu’il souhaitait une économie et un système éducatif plus forts et a dénoncé la corruption politique persistante: «Arrêtez de prendre de l’argent et de le dépenser à mauvais escient.»
Plusieurs électeurs ont déclaré avoir été surpris de la rapidité avec laquelle les partis minoritaires et les nouveaux partis sont devenus de sérieuses menaces pour la mainmise des deux principaux partis sur la politique portoricaine.
«Je ne pensais que ça se produirait si tôt, mais je suis contente», a déclaré Giulianna Abreu, une publiciste de 33 ans.
De longues files d’attente ont persisté après la fermeture officielle des bureaux de vote à 17 heures, heure locale, mardi, et les personnes déjà dans la file ont été autorisées à voter. Les résultats pourraient prendre plusieurs jours. En 2020, il a fallu quatre jours aux autorités pour publier les résultats préliminaires.
M. Dalmau a cependant affirmé qu’il pensait que les résultats pour le poste de gouverneur seraient prêts d’ici mardi soir: «Nous espérons que ce pays fera un pas historique.»
La Commission électorale de l’État de Porto Rico compte toujours plus de 220 000 votes anticipés et par correspondance, le décompte commençant plus de deux semaines plus tard que d’habitude. Jessika Padilla, la présidente suppléante de la commission, a déclaré qu’environ 40 % de ces votes avaient été comptabilisés lundi.
«Ce processus de validation est un processus que nous n’allons pas prendre à la légère», a-t-elle déclaré.
Plus de 5000 détenus sur un total de 7400 ont également voté, bien que l’on ne sache pas combien de ces votes ont été comptabilisés.
Les autorités continuent également de recevoir des allégations de délits électoraux, notamment de la part de personnes qui ont déclaré avoir reçu des confirmations de vote anticipé alors qu’elles n’en avaient pas fait la demande.
Une question sur le statut
Les électeurs sont également interrogés mardi pour la septième fois sur le statut politique de Porto Rico.
Le référendum non contraignant offre trois possibilités: l’obtention d’un statut d’État américain, l’indépendance, et une forme de souveraineté-association, où des questions comme les affaires étrangères, la citoyenneté américaine et l’utilisation du dollar américain seraient négociées.
«Nous allons travailler pour donner à notre peuple l’égalité», a assuré Jenniffer González, du parti pro-État américain. Les responsables du parti ont depuis longtemps noté que, malgré son statut de territoire américain, Porto Rico reçoit un traitement inégal en ce qui concerne Medicaid, Medicare et d’autres programmes fédéraux.
Quel que soit le résultat du référendum, un changement de statut nécessiterait l’approbation du Congrès américain à Washington.
Certains électeurs ont affirmé lundi que le statut d’État américain était la seule chose qui aiderait Porto Rico à sortir de son marasme.