«Soyons calmes», dit Ottawa face à l’écrasante victoire de Trump aux États-Unis

OTTAWA — «Soyons calmes», lance le ministre canadien de l’Industrie, François-Philippe Champagne, au lendemain de la victoire de Donald Trump aux États-Unis que le premier ministre Justin Trudeau qualifie de «décisive».

En règle générale, le message de rester calme est lancé quand un vent de panique s’installe. Les libéraux interceptés mercredi dans les couloirs de l’édifice du Parlement n’ont toutefois voulu montrer aucun signe d’inquiétude, insistant sur la préparation du Canada à un second mandat de M. Trump.

«Prenons une grande respiration. C’est le jour un. Nous allons travailler avec nos amis américains», a dit M. Champagne.

Il n’a pas voulu «spéculer» sur d’éventuels tarifs qu’imposerait l’administration Trump, bien que le président désigné républicain l’ait promis. Le ministre a insisté sur les relations préexistantes entre le gouvernement de Justin Trudeau et les républicains.

«Soyons calmes. Le travail que nous avons fait est en train de payer», a-t-il soutenu.

M. Champagne a aussi souligné que l’entrée en fonction de M. Trump n’aura lieu qu’en janvier et qu’il reste donc plusieurs semaines au Canada pour continuer de se préparer.

De son côté, M. Trudeau a martelé que «ça fait bien longtemps» que la préparation est commencée. «On va recommencer notre approche “Équipe Canada”. On va recommencer à s’engager à fond avec l’équipe de Donald pour s’assurer qu’on est en train de bâtir un monde meilleur pour les Canadiens, pour les Américains et pour tout le monde à travers (la planète)», a-t-il dit en se rendant à une réunion du caucus libéral à Ottawa.

Un peu plus tôt, il avait félicité M. Trump pour son élection, soulignant que le Canada et les États-Unis entretenaient «le partenariat le plus fructueux au monde».

«Nous sommes voisins et amis, unis par une histoire et des valeurs communes ainsi que par des liens solides entre nos populations», a-t-il déclaré dans un communiqué.

«Nous sommes prêts à travailler avec le président élu Trump et son administration dans divers dossiers, notamment le commerce et l’investissement ainsi que la paix et la sécurité sur le continent», a-t-il ajouté.

En soirée, le cabinet du premier ministre a envoyé un autre communiqué de presse pour souligner que les deux hommes politiques se sont parlé.

«Les deux dirigeants ont discuté du partenariat durable et profitable entre le Canada et les États-Unis. Ils ont discuté du commerce, notamment de l’accord Canada-États-Unis-Mexique que le président Trump et le premier ministre Trudeau ont négocié avec succès au cours du premier mandat du président», peut-on lire.

«Ils ont également discuté de leur intérêt commun pour des chaînes d’approvisionnement sûres et fiables et pour la lutte contre les pratiques commerciales déloyales dans l’économie mondiale. Au cours de leur conversation, les deux dirigeants ont également discuté de la sécurité nord-américaine. Ils ont convenu de rester en contact étroit.»

«Tout va bien aller»

Le chef conservateur Pierre Poilievre, favori dans les sondages au Canada depuis plus d’un an, y est aussi allé de ses félicitations, partageant même une certaine analyse politique.

«Les résultats d’hier confirment que nous devons annuler le plan de Trudeau de quadrupler la taxe carbone et d’augmenter d’autres taxes et impôts, ce qui pousserait des centaines de milliers d’emplois supplémentaires vers le sud, où le président Trump réduira encore plus les taxes et impôts», a-t-il affirmé sur les réseaux sociaux.

Il a promis de défendre les intérêts des Canadiens s’il devient premier ministre. «Ma mission: sauver nos emplois. Les États-Unis ont déjà pris un demi-billion de dollars d’investissements et d’emplois au Canada pendant les neuf années du gouvernement Trudeau, et les Canadiens n’ont plus les moyens de se loger et de se nourrir», a-t-il écrit.

Ni M. Poilievre ni ses députés n’ont voulu s’entretenir mercredi avec les journalistes qui tentaient de recueillir leurs commentaires sur l’élection américaine.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a elle aussi félicité le président désigné sur la plateforme X, soutenant que les deux pays se concentreraient sur «l’investissement, la croissance, la paix et la sécurité dans le monde».

En mêlée de presse, la ministre a insisté sur le «plan» déjà en place. «On est déjà engagés. On a ça en main. Et donc (les Canadiens) peuvent nous faire confiance que le Canada est capable de gérer l’arrivée de Trump», a-t-elle dit.

La vice-première ministre Chrystia Freeland, qui a dû composer avec l’administration Trump durant la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), a voulu calmer les Canadiens qui seraient inquiets.

«Je veux absolument, fortement, avec beaucoup, beaucoup de conviction, rassurer les Canadiens qu’ici, chez nous au Canada, et dans nos liens avec les États-Unis et le monde, tout va bien aller», a-t-elle lancé.

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a été le seul politicien fédéral à montrer, mercredi matin, des signes d’inquiétude. «C’est maintenant le temps d’être unis, de dire “On va prioriser nos intérêts et défendre nos intérêts” parce qu’il y a de potentiels impacts sévères avec une présidence Trump», a-t-il dit aux journalistes.

Il a refusé de féliciter Donald Trump pour son élection, comme c’est la coutume. «J’accepte qu’il ait gagné les élections», a-t-il répondu lorsque pressé de questions à ce sujet.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a écrit sur X que M. Trump avait «su lire le cœur de nombreux citoyens et leur offrir les mots qui les lui auront ralliés».

«Sachons désormais collaborer en voisins et amis désignés par l’histoire, en particulier sur les enjeux de migrations, de commerce, de climat et de sécurité», a-t-il poursuivi.

Aux Communes, la période des questions a été teintée par la soirée électorale de la veille, chaque chef de parti d’opposition questionnant M. Trudeau sur les impacts potentiels au Canada.

Le gouvernement Trudeau se préparait depuis plusieurs mois à un éventuel retour de M. Trump à la Maison-Blanche. Il avait mis sur pied en janvier une Équipe Canada, constituée notamment du ministre Champagne.

– Avec des informations de Michel Saba