Rattrapage des chirurgies: Christian Dubé n’a plus d’échéance pour atteindre sa cible
QUÉBEC — Non seulement le gouvernement Legault va rater sa cible de rattrapage des chirurgies en décembre, mais il ne précise désormais plus d’échéancier.
C’est ce qu’a admis jeudi le ministre de la Santé, Christian Dubé, lors d’une conférence de presse qu’il avait organisée à Québec pour faire un premier bilan du Plan santé présenté en 2022.
À l’heure actuelle, 10 707 Québécois attendent une opération depuis plus d’un an.
En mai 2023, ayant raté ses cibles de 2021 et 2022, M. Dubé avait présenté un troisième plan de rattrapage des chirurgies qui devait ramener le nombre de patients en attente d’une opération depuis plus d’un an à 2500, d’ici au 31 décembre 2024.
Ce ne sera pas respecté.
«Je ne pense pas qu’au rythme actuel (…) on va être capable d’atteindre le 2500 en décembre», a déclaré le ministre, avant d’ajouter qu’il n’avait «en ce moment» pas d’échéance pour atteindre cette cible.
Plus tôt, le premier ministre François Legault avait concédé, à la période des questions, qu’«on parle d’années pour être capables de vider les listes d’attente». Selon lui, «les Québécois comprennent la situation».
Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, lui a plutôt suggéré que le «contrat social» au Québec était brisé.
«Tu paies des impôts puis, que tu sois riche ou que tu sois pauvre, le système public va s’occuper de toi dans un délai raisonnable, puis ça va être gratuit. Sous la gouverne du premier ministre, ce contrat social là, il s’est brisé», a-t-il lancé.
«Les Québécois, ils paient en double et attendent plus qu’avant: ils paient une fois sur leur rapport d’impôt puis une fois sur leur carte de crédit parce qu’ils sont obligés d’aller au privé», a-t-il renchéri.
Le député libéral André Fortin a parlé de Louise, une femme de 70 ans qui a reçu un diagnostic de cancer des ovaires et qui a dû attendre 11 mois avant de se faire opérer. Il était trop tard; elle doit maintenant subir de la chimiothérapie.
«Des cas comme Louise, il y en a des centaines au Québec», a soutenu le chef libéral par intérim, Marc Tanguay. En effet, plus de 4600 Québécois attendent une chirurgie oncologique, dont 705 sont hors délais, selon le ministère de la Santé.
«La situation ne s’améliore pas. Les gens attendent plus longtemps pour voir leur médecin, plus longtemps pour voir un spécialiste, plus longtemps pour obtenir leur chirurgie. Il est là, le bilan de Christian Dubé», a tonné M. Fortin.
Le député péquiste Joël Arseneau a rappelé que les temps d’attente dans les urgences n’ont pas diminué: jeudi matin, il y avait 31 heures d’attente à l’Hôpital de Saint-Jérôme, 30 heures à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et 27 heures à Anna-Laberge, a-t-il illustré.
«L’accès aux soins de santé pour les Québécois, (…) il s’est détérioré depuis l’élection de la Coalition avenir Québec (CAQ), et tout le monde le sait, tout le monde le constate. Les choses ne s’améliorent pas», a-t-il pesté.
En conférence de presse, M. Dubé s’est dit conscient des «défis», mais s’est félicité d’avoir signé une entente avec les infirmières, réduit le recours à la main-d’œuvre indépendante, ainsi que le temps supplémentaire obligatoire, et haussé les admissions en médecine.
Il a promis que tous les Québécois détenteurs d’une carte soleil seront pris en charge par un professionnel de la santé d’ici l’été 2026. Les négociations avec les fédérations des médecins seront par conséquent «critiques», a-t-il reconnu.
«Il y en a des choses qu’on a améliorées, a insisté le ministre. Moi, je le vois que l’aiguille est en train de bouger.»
Privé en santé: un 2e mea culpa en 3 jours
Par ailleurs, Christian Dubé a continué, jeudi, de se distancier de la position traditionnelle de la CAQ sur la place du privé en santé.
Il a d’abord admis en conférence de presse que son parti avait «galvaudé» le projet de mini-hôpitaux privés lors de la campagne électorale de 2022.
«Ce que je pense qui est galvaudé, ou peut-être mal compris, incluant nous, lorsqu’on était en campagne électorale, il aurait peut-être fallu préciser qu’est-ce qui est privé. Est-ce que c’est l’immeuble ou c’est les médecins?
«Quand on a parlé des hôpitaux privés, moi c’était très clair après quelque temps qu’on aurait dû bien préciser que c’est la question de l’immeuble qui est privé, et non le principe de l’hôpital privé en termes de facturants.»
M. Dubé a aussi dit trouver «inacceptable» que les Québécois soient forcés d’aller au privé pour passer un test de streptocoque, par exemple. «C’est pour ça que j’ai dit qu’un moment donné, il fallait arrêter le privé sur certains aspects», a-t-il dit.
Mardi, il avait déclaré à quatre reprises lors d’une interpellation à l’Assemblée nationale qu’il voulait «sevrer» le réseau de la santé du privé, avant de s’excuser, deux heures plus tard, pour avoir employé le mauvais verbe.
Le premier ministre Legault a répété cette semaine que, selon lui, le privé demeurerait complémentaire au réseau public.