Le Nouveau-Brunswick paiera les avortements pratiqués en dehors des hôpitaux

FREDERICTON — Les avortements chirurgicaux pratiqués hors des hôpitaux au Nouveau-Brunswick seront désormais entièrement financés par l’assurance maladie, a annoncé jeudi la première ministre Susan Holt, annulant ainsi une règle controversée datant de 1984 qui limitait la disponibilité de cette procédure dans toute la province.

Avant ce changement, le gouvernement ne couvrait le coût des avortements que s’ils étaient pratiqués dans l’un des trois hôpitaux qui offrent l’intervention. Mme Holt, dont les libéraux ont été portés au pouvoir le mois dernier, considère ce changement comme une première étape importante pour améliorer l’accès à l’avortement au Nouveau-Brunswick.

«Nous croyons que l’avortement est un soin de santé et que tout le monde mérite d’avoir accès aux soins dont il a besoin, quand et où il en a besoin, et notre équipe est donc fière de faire ce petit pas», a-t-elle déclaré aux journalistes.

La première ministre a cependant précisé que les avortements chirurgicaux pratiqués hors des hôpitaux «ne deviendront pas accessibles du jour au lendemain» en raison du travail préparatoire nécessaire avant que des cliniques ne soient en mesure d’offrir la procédure.

La première ministre affirme que la province sera désormais alignée sur la plupart des autres en couvrant le coût des avortements, qu’ils soient pratiqués dans un hôpital ou dans une clinique.

Le ministre de la Santé, le docteur John Dornan, a souligné jeudi que l’ancienne règle de la Loi sur le paiement des services médicaux de 1984 limitait concrètement l’accès aux avortements chirurgicaux en raison de la distance que certaines femmes doivent parcourir pour se rendre à l’un des trois hôpitaux qui pratiquent l’intervention: l’Hôpital régional Chaleur, à Bathurst, l’Hôpital de Moncton et le Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont, lui aussi à Moncton.

400 km de route

«Nous sommes en 2024 et nous sommes au Canada. En 1803, la participation à un avortement était punie par la peine de mort», a rappelé le ministre Dornan.

«Nous avons fait beaucoup de chemin. En 1985, la Loi canadienne sur la santé prévoyait que toutes les femmes au Canada devraient avoir accès à l’avortement.» Mais conduire d’Edmundston à Bathurst, un trajet aller-retour de plus de 400 kilomètres, «ce n’est pas de l’accès», a-t-il déclaré.

La prochaine étape pour le gouvernement libéral consistera à travailler avec des groupes, notamment la Société médicale du Nouveau-Brunswick et les régies régionales, pour déterminer comment les avortements seront pratiqués dans les communautés.

Le précédent gouvernement progressiste-conservateur de Blaine Higgs refusait de payer les avortements chirurgicaux pratiqués à l’extérieur des trois hôpitaux qui offrent cette intervention. Il soutenait que les Néo-Brunswickoises avaient toutes accès à des avortements médicamenteux.

L’Association canadienne des libertés civiles a intenté une poursuite contre la province en 2021, affirmant que les restrictions violaient la Loi canadienne sur la santé, mais aussi les droits à la liberté, à la sécurité, à la vie privée et à l’égalité garantis par la Charte canadienne.

Harini Sivalingam, de l’Association, s’attend maintenant à ce que son organisme abandonne la poursuite. «Nous saluons cette nouvelle visant à modifier la réglementation et à permettre un financement équitable d’un service de santé essentiel qui bénéficiera à d’innombrables femmes et personnes de diverses identités de genre dans la province», a-t-elle déclaré jeudi.

La députée du Parti vert Megan Mitton a dit qu’elle était prudemment optimiste face à la nouvelle, étant donné que l’annonce du gouvernement n’est pour l’instant que «sur papier» et qu’elle attend de voir les services de santé mis en place dans toute la province. «Mais c’est une étape importante et je suis heureuse qu’elle soit enfin franchie.»