Transport collectif: pas de gaspillage trouvé, mais 346 M$ d’économies sont possibles

MONTRÉAL — Les 10 sociétés de transport collectif de la province pourraient dégager, à terme, des économies totalisant 346 millions $, mais cela impliquera un changement des façons de faire et probablement de sérieuses parties de bras de fer entre ces sociétés et leurs syndicats.

L’audit de performance de 515 pages livré jeudi par la firme Raymond Chabot Grant Thornton a cependant permis d’établir que ces sociétés, ainsi que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), sont bien gérées.

«On n’est pas arrivé à des constats pour dire que les sociétés de transport gaspillent l’argent des contribuables», a affirmé Nicolas Plante, auteur principal du volumineux rapport, mettant ainsi le couvercle sur l’idée parfois véhiculée selon laquelle ces organismes dépensent sans compter.

Déficit «insoutenable»

En présentant l’audit, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a souligné que, d’après les projections actuelles, les sociétés de transport collectif de la région de Montréal prévoient un déficit accumulé de 2,5 milliards $ d’ici 2028, déficit qu’elle a qualifié d’«insoutenable».

«346 millions $ on peut difficilement s’en passer. On en a besoin», a-t-elle déclaré.

Une bonne part des augmentations de coûts d’exploitation est en partie incompressible, notamment des éléments comme le prix du carburant, qui a connu une importante flambée sur la période de cinq ans étudiée. Cependant, les plus grandes sociétés de transport réussissent à obtenir des réductions de prix en raison du volume d’achats, un avantage dont les autres pourraient également bénéficier en mettant leurs achats en commun.

Par ailleurs, tant l’audit que la ministre ont souligné que 64 % des dépenses des sociétés de transport sont du salaire. Sans chiffrer la valeur de certaines modifications, l’audit identifie quand même certains obstacles à la réalisation de certaines démarches dans les conventions collectives.

Manque de flexibilité

«Parmi les recommandations à prioriser à plus court terme ou à moyen terme qui seraient les plus concrètes et rapides à mettre à exécution, il y en a certaines qui sont limitées par des clauses de convention collective qui empêchent d’avoir la flexibilité nécessaire pour poser certaines actions qui généreraient des économies», a déclaré la ministre Guilbault.

Le président du syndicat des chauffeurs d’autobus et opérateurs de métro de la Société de transport de Montréal (STM), Frédéric Therrien, attendait d’ailleurs les journalistes à la sortie de la présentation de l’audit pour dénoncer le fait que, selon lui, «c’est encore sur le dos des travailleurs et sur le dos de la clientèle que se font les coupures».

«Je trouve ça navrant que le gouvernement de CAQ dise que pour eux, c’est important d’avoir des belles, des bonnes jobs, mais qu’à chaque fois qu’il y a une économie à faire, c’est sur le dos des travailleurs», a-t-il dénoncé.

Quant à la flexibilité requise dont fait état l’audit, il réplique que son syndicat a toujours négocié de bonne foi, mais que «la ministre nous repousse dans les retranchements en disant que on a de la rigidité. (…) C’est sûr que quand il y a des conventions collectives, on doit aussi tenir. Mais d’en discuter lors de négociations, ça va nous faire plaisir», a-t-il soutenu, précisant que les négociations avec la STM viennent justement de s’ouvrir alors que la convention collective de ses membres vient à échéance le 5 janvier prochain. Sa réaction témoigne cependant de ce à quoi il faudra s’attendre à travers l’ensemble des sociétés de transport de la province.

Trop de véhicules inutilisés

L’une des économies les plus importantes identifiées dans le rapport qui serait disponible à court terme serait de s’attaquer à ce que l’on appelle le «taux de réserve», c’est-à-dire le nombre excédentaire de véhicules qui sont soit remisés en attente qu’on en ait besoin ou qui sont en entretien. Le ratio optimal, selon l’audit, serait de 20 %, mais certaines sociétés de transport comme celles de l’Outaouais avec 61 %, de Saguenay (44 %), de la Capitale (43 %) et de Montréal (41 %) excèdent largement cette cible, entraînant des coûts qui pourraient être réduits.

Geneviève Guilbault s’est également dite prête à revoir les échéanciers pour l’électrification des flottes d’autobus «pour réduire la pression», alors qu’il s’agit là d’une dépense majeure pour les sociétés de transport non seulement pour l’achat de véhicules, mais aussi la construction de nouveaux garages pour leur entretien.

Une autre piste vise à réduire les fréquences sur les lignes moins achalandées à certaines heures et même d’implanter du transport à la demande, une formule qui gagne en popularité, mais qui implique bien souvent de sous-traiter à des entreprises privées. «Le privé, ça peut être bénéfique», a avancé Geneviève Guilbault, tout en étant consciente que, là encore, elle risque de trouver les syndicats sur son chemin.

Fait à noter, sur les 346 millions $ qui ont été identifiés comme économies possibles, l’audit n’en détaille que 166 millions $, l’autre 180 millions $ ayant été identifié par les sociétés de transport et le détail de cette somme «est confidentiel», nous a-t-on dit à quelques reprises.

Sherbrooke en tête, l’Outaouais à la queue

Le rapport se permet au passage de dresser un palmarès des sociétés de transport, mais s’en tient, sur un vaste ensemble de paramètres analysés, à trois composantes, soit le coût par kilomètre parcouru, le coût horaire et le coût par déplacement, un portrait malgré tout incomplet, reconnaît M. Plante.

Les cinq premières places sont occupées, dans l’ordre, par la Société de transport de Sherbrooke, la Société de transport de Trois-Rivières, la Société de transport de Lévis, le Réseau de transport de Longueuil et le transporteur EXO. Viennent ensuite la Société de transport de Saguenay, la Société de transport de Montréal, la Société de transport de Laval, alors que les sociétés de transport de la Capitale et enfin de l’Outaouais ferment la marche.