Mort d’une famille à la frontière: le procès de deux accusés s’amorce lundi
WINNIPEG — Le procès de deux hommes accusés de contrebande humaine s’amorcera lundi aux États-Unis, près de trois ans après que les membres d’une famille indienne eurent été retrouvés morts de froid près de la frontière canado-américaine.
Harshkumar Ramanlal Patel et Steve Shand sont accusés d’avoir fait partie d’un grand réseau de passeurs qui amènerait des Indiens au Canada avec des visas d’étudiants avant de leur faire franchir illégalement la frontière américaine.
Tous deux ont plaidé non coupables des chefs d’accusations de complot visant à emmener illégalement des étrangers aux États-Unis par des moyens pouvant causer à ceux-ci des blessures graves et de mettre leur vie en danger.
Les procureurs américains soutiennent que Patel coordonnait des passeurs qui amenaient des migrants près de la frontière. Ces derniers devaient alors la franchir la frontière à pied avant d’être récupérés par Shand.
Les documents judiciaires déposés à l’époque indiquent qu’un de ces passages clandestins est survenu le 19 janvier 2022 pendant une tempête de neige alors que la température chutait à – 35 °C avec le refroidissement éolien. Le groupe marchait dans une prairie exposée aux éléments près de la ville d’Emerson, au Manitoba.
«Même s’ils savaient les dangers que cela représentait, ils ont fait marcher les migrants», peut-on lire dans les documents.
Plus tard ce jour, les corps gelés de Jagdish Patel, âgé de 39 ans, de sa femme Vaishaliben Patel, 37 ans, et de leur fille Vihangi, 11 ans, et de leur fils Dharmik, 3 ans, ont été retrouvés à quelques mètres de la frontière.
Ils faisaient partie d’un groupe de 11 personnes qui tentaient de franchir clandestinement la frontière. Deux d’entre elles ont réussi à se rendre vers la camionnette de Shand avant d’être arrêtées par les autorités.
«Cinq autres migrants sont sortis d’un champ. L’une de ces personnes souffrait tellement d’hypothermie qu’elle s’évanouissait à tout bout de champ. Elle souffrait aussi d’engelure au nez et aux doigts», ajoute le document.
Le procès devrait durer cinq jours. Les procureurs ont l’intention de présenter comme preuves des messages textes entre Patel et Shand dans lesquels ils discutent des mauvaises conditions météorologiques et coordonnent l’arrivée de la camionnette, indiquent des documents.
Les victimes étaient originaires de Dingucha, une petite ville d’environ 3000 habitants située dans l’État de Gujarat, dans l’ouest de l’Inde.
Le père de Jagdish Patel, Baldev Patel, avait déclaré en 2023 à La Presse Canadienne ne pas connaître les hommes accusés, ajoutant que les arrestations ne lui apportaient aucun bien.
«Je pense beaucoup à (ma famille). Comment puis-je passer à autre chose?», a déploré M. Patel en hindi lors d’un entretien téléphonique avec La Presse canadienne depuis son domicile de Dingucha, dans l’ouest de l’Inde.
«Cela ne sert à rien si les (accusés) sont arrêtés, a-t-il expliqué en sanglotant. Est-ce que ça ramènera mon fils?»
Il avait aussi raconté que son fils avait occupé différents emplois dans l’enseignement, l’agriculture et la vente de cerfs-volants, mais rien ne semblait fonctionner pour lui en Inde.
Le fils avait appelé son père une fois arrivé au Canada et semblait heureux de pouvoir se rendre aux États-Unis.
Les procureurs ont annoncé une liste de témoins potentiels, dont quelqu’un ayant fait partie du présumé réseau de passeurs. Celui-ci aurait envoyé à ses complices au Manitoba plusieurs de ceux qui avaient tenté de franchir la frontière le 19 janvier 2022.
Les autorités reprochent aussi aux accusés d’avoir fait franchir illégalement la frontière à plusieurs dizaines de personnes au cours des semaines précédant la tragédie.