« Quand j’ai fini de faire ça, je suis gonflé à bloc »
SOLIDARITÉ. Dave Turner, 59 ans, respire l’empathie. Depuis 20 ans, le Latuquois d’origine s’est donné une véritable mission de venir en aide à des personnes itinérantes, qui, autrement, l’auraient nettement plus difficile dans la région de Montréal.
«Je m’en vais chercher de la bouffe, pour mon monde dans la rue », lance-t-il en début d’entrevue.
Sa mère, -Marie-Paulette -Shink qui vivait à -Toronto, l’a suivi et a embarqué dans son aventure. Elle a récemment diminué son implication pour des raisons de santé, mais elle tient à ce que son fils continue, pourvu qu’il y soit toujours heureux.
De -Pointe-aux-Trembles, ils prennent en charge la distribution de nourriture de A à Z. Ça inclut la préparation de repas chauds, aussi de payer tous les frais pour la nourriture, le véhicule, l’essence et ne jamais facturer leur temps. Ils amènent la nourriture directement dans la rue aux personnes qui en ont besoin.
«La vie nous amène à des places où on n’aurait jamais pensé se rendre », philosophe-t-il.
Dave Turner ne l’a pas eu facile lui-même et n’a pas joué de chance. Il a connu la maladie, il a perdu une jambe, la sclérose en plaque, un cancer se sont retrouvés sur sa route.
« Ça nous amène ailleurs. C’est tout ça qui a fait que ce je suis aujourd’hui ». Il incarne la résilience même et la prise de conscience : « J’ai goûté à la vie, pas mal. J’ai vu des bancs de parc aussi. J’ai pris un coup, je me suis magané la vie aussi. Un moment donné, ç’a viré de bord, je suis tombé malade, ils me donnaient deux mois dans ce temps-là. Ça fait vingt ans. À partir de là, j’ai dit : ok, je vais tout faire ce que je peux faire sur le bon bord. »
Il s’est déjà retrouvé temporairement en fauteuil roulant. «Je m’en allais sur le trottoir et je voyais des gens assis là. T’arrives à la même hauteur qu’eux, yeux dans les yeux. Je me suis mis à jaser avec eux. Ce sont des êtres humains. Je le savais d’avance, mais il y avait tout le temps un petit jugement. Tout ça, ça s’est tassé, ça s’est enlevé, le jugement. Ç’a commencé comme ça. J’ai commencé à aller aider, je leur donnais un petit peu d’argent, je les amenais avec moi chez -Tim -Hortons. De fil en aiguille, on s’est mis à faire des lunchs », évoque le -Latuquois.
« Ce n’est pas parce qu’on est riche »
« Trois jours par semaine, on va directement dans la rue. On va pas loin des refuges, parce qu’ils partent de là le matin avec une »toast« , une gorgée de café, pas de crème dedans. Ils remangent la deuxième fois à 6 h le soir. On va vers ce monde-là, qui sont dehors, qui ne peuvent entrer nulle part, parce qu’ils n’ont pas d’argent. On leur ramène de la bonne bouffe chaude», dévoile M. Turner.
Deux autres jours par semaine, il ramasse de la nourriture qu’il distribue dans des maisons. Des gens réussissent à garder leur appartement grâce à son soutien. Il y a de plus en plus de familles. Il y a des gens qui paient leur appartement, mais il n’y en a plus après. Tout ça fait en sorte que c’est pratiquement un emploi 7 jours sur 7.
Ils vont sur la rue -Sainte-Catherine, là où il y a aussi des personnes nécessiteuses. Il leur arrive de donner « un petit 5 » à des gens qui en ont besoin. Dans une journée, ils peuvent voir une centaine de personnes. Pas toujours les mêmes. En toile de fond de toute l’œuvre de Dave Turner et de sa mère, voir le bon côté des choses, ne jamais juger les gens. Aider. «Les guerriers de la rue», souffle-t-il.
Les gens le leur rendent bien. Cette action fait du bien à Dave Turner : «Quand j’ai fini de faire ça, je suis gonflé à bloc ».
« Ce n’est pas parce qu’on est riche. À la fin du mois, il ne nous reste pas «une cent» , mais à l’intérieur, on se sent très, très bien», ressent-il.
Les besoins augmentent. Avec la -COVID-19, on le remarque aussi. «Ils ont ouvert des refuges, mais il n’y a pas de bouffe», se désole-t-il.
Il ne fait pas qu’offrir des repas. Il joue aussi de la musique de temps en temps pour agrémenter les jours des personnes démunies.
Latuquois, toujours
Il est bien connu à La Tuque où plusieurs l’ont vu passer sur son « bicycle à bras ». Des fois, il partait de Montréal pour aller au -Lac-Saint-Jean, en saluant ses chums à La Tuque.
Si des gens veulent faire des dons pour l’aider à poursuivre sa cause, il les accepte avec plaisir. « Ça va tout aller à la bonne place », assure-t-il. Des gens de La Tuque qui l’ont rejoint par les réseaux sociaux l’ont déjà fait.