Wemotaci met en demeure le gouvernement du Québec
Le Conseil des Atikamekw de Wemotaci (CAW), avec l’aval des chefs de
territoire, a mis en demeure le gouvernement du Québec aujourd’hui. Ce recours judiciaire concerne spécifiquement la coupe de bois et l’émission de baux de villégiature sur son territoire ancestral non cédé, qui englobe pratiquement toute la Mauricie.
Dans la mise en demeure, le CAW dénonce les processus de consultation menés depuis 2013 par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) et le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN). Le CAW juge que ces processus sont largement insuffisants.
« Non seulement les consultations sont non constitutionnelles, mais elles sont aussi un manque de respect envers tous nos membres. Je les qualifierais même de mascarades », lance François Néashit, Chef du CAW.
Le recours judiciaire vise ainsi à protéger le territoire ancestral de Wemotaci, le Wemotaci-Aski. Avec cette démarche, le CAW espère amener le gouvernement du Québec à la table des négociations.
« On veut amener le gouvernement du Québec à négocier de nation à nation. On veut qu’il soit plus respectueux de nos familles et de notre territoire, affirme M. Néashit. De notre point de vue, les consultations actuelles sont superficielles, les accommodements sont dérisoires, les effets cumulatifs ne sont jamais pris en considération et les mesures de conservation du territoire sont insuffisantes. »
« Les processus de consultation en cours ne sont que de la poudre aux yeux qui ne servent que les intérêts de Québec, renchérit ce dernier. Nous sommes consultés seulement en bout de piste, une fois que les décisions stratégiques ont déjà été prises et que le marge de manœuvre est déjà très réduite. À ce stade du processus, il est trop tard pour qu’on puisse protéger la qualité de notre territoire. Nous sommes consultés trop tard et sans que de véritables accommodements pour nous dédommager soient mis en place. »
Parmi les dédommagements offerts, M. Néashit cite en exemple du bois de chauffage qui leur est donné ainsi que de l’argent. Toutefois, il affirme que la somme versée est largement insuffisante pour le nombre de personnes comprises.
Trop peu trop tard
Me Jacynthe Ledoux, qui accompagne Wemotaci dans ses démarches judiciaires, explique que depuis 2013, avec la mise en vigueur de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier, l’essentiel de l’aménagement forestier s’est retrouvé entre les mains du MFFP.
« Ce qu’on constate, c’est que les Atikamekw de Wemotaci sont consultés au niveau opérationnel, mais au moment où ils sont consultés, les décisions les plus importantes, celles qui auront le plus d’impacts sur leur territoire et sur leurs activités traditionnelles, ont déjà été prises », dit-elle.
Par exemple, le calcul du volume de bois coupé a déjà été décidé au moment où les membres du CAW sont consultés. Cela veut dire qu’au moment où on les consulte, ils ne peuvent pas contester la quantité de bois qui sera coupée. Ils ne peuvent pas non plus demander de protéger certaines zones culturellement significatives des coupes à long terme.
« Les stratégies qui sont mises en place pour consulter les chefs de territoire ne leur donnent pas le temps suffisant pour réagir de façon adéquate », résume l’avocate.
De nombreux impacts
Le CAW fait valoir que le régime forestier québécois, particulièrement sur le Wemotaci-Aski, et l’octroi de baux de villégiature ont de graves impacts sur le territoire et menacent le maintien du mode de vie atikamekw des générations présentes et futures.
« Le régime actuel contribue à une dépossession territoriale qui va à l’encontre des droits fondamentaux du CAW et de nos membres, déplore M. Néashit. C’est assez flagrant tous les impacts qu’on remarque sur le territoire quand il y a des coupes forestières. La circulation est perturbée et l’habitat faunique est brisé. Les animaux déménagent. Il se fait de la coupe de bouleau, un arbre très important dans la vie de nos membres parce que son écorce est très utilisée. Et quand le MFFP reboise, c’est seulement du résineux. »
Le CAW tient à préciser qu’il n’est pas contre l’exploitation forestière ni l’émission des baux de villégiature sur son territoire et ne vise aucune entreprise liée à l’exploitation forestière. Il estime cependant que tout développement doit se faire dans le respect des droits, des valeurs et des intérêts de ses membres.
D’autres mesures judiciaires envisagées
Advenant que Québec ne réponde pas à la demande de négociation de Wemotaci, ou que les négociations qui suivront soient insatisfaisantes, le CAW affirme qu’il déposera au cours de l’année 2022 un recours juridique. Me Ledoux indique que la nature de ce recours n’est pas encore entièrement déterminée et le sera en fonction de la réaction du gouvernement du Québec.
« J’espère que le gouvernement du Québec comprendra le sérieux de notre démarche et que nous nous retrouverons plus tôt que tard autour d’une véritable table de négociation », conclut M. Néashit.