42 regards sur la réalité des femmes
Ce Manifeste se veut positif, mais aussi percutant, car il reste encore du chemin à faire vers l’équité et la parité pour les femmes en STIM. Les textes y sont courts, faciles à lire et accessibles.
On y retrouve les réflexions de 42 auteures, auteurs et regroupements issus des milieux scolaires, universitaires et privés qui œuvrent à propos des femmes en STIM dans la francophonie canadienne.
« Il y a eu de l’avancement. On voit plus de femmes dans le domaine, mais il faudrait voir pourquoi les femmes quittent également le domaine et comment les retenir. Par exemple, la conciliation travail-famille est un enjeu et pour soutenir les femmes, il faudrait faire en sorte que les mécanismes de demande de subvention soient regardés autrement. Présentement, si une femme a peu de production scientifique, ça a un impact négatif sur sa carrière, explique Louise Lafortune, codirectrice de l’ouvrage. Le nombre de femmes en STIM augmente dans certains secteurs, mais ce nombre stagne dans le domaine de l’ingénierie et de l’intelligence artificielle, notamment. »
Ce Manifeste est l’occasion d’aborder différents enjeux tels que l’équité, la diversité, l’inclusion, la préoccupation pour les femmes doublement minorisées (ex : femmes autochtones et non hétérosexuelles) dans les STIM et l’intersectionnalité. Une partie du livre est aussi consacrée aux enjeux de la pandémie associés à la place des femmes en STIM et sur l’impact que cette pandémie aura dans l’avenir pour les femmes en STIM. « On voulait cesser de se poser des questions comme la science a-t-elle un sexe ? Les femmes sont-elles autant capables de réussir que les hommes en mathématiques ? On voulait répondre à des propos souvent rapportés que c’est parce que les femmes n’ont pas d’intérêt envers les sciences et les mathématiques. Mais si on enlevait les obstacles ou les micro-agressions, elles auraient sans doute plus d’intérêt pour ces domaines », fait remarquer Mme Lafortune.
Le Manifeste à propos des femmes en STIM se termine sur une série de sept recommandations allant de la réalisation d’un portrait exhaustif et évolutif de la situation des femmes en STIM à l’élaboration d’un programme de mentorat faisant appel aux femmes pionnières qui travaillent en STIM. On voudrait que ce soit discuté en classe, dans les familles, avec les conseillers d’orientation. On voudrait que ça suscite des discussions et des réflexions dans la société. »
Audrey Groleau
Mais ce qui ressort beaucoup de la lecture, c’est cette nécessité d’avoir une meilleure connaissance des femmes qui œuvrent ou qui ont œuvré dans le domaine des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques, mais aussi de reconnaître leur travail.
« D’où l’importance de bien documenter les initiatives des femmes en STIM et bien connaître les statistiques, insiste Audrey Groleau, professeure titulaire à l’UQTR et codirectrice du Manifeste. Il y a également un texte sur l’importance d’avoir des archives sur ce que les femmes ont fait dans le domaine. On remarque que c’est peu pris en compte dans les archives. Pour connaître la contribution des femmes en STIM, il faut être en mesure de remonter plus loin derrière. C’est un aspect important dans les recommandations qui sont émises. »
Mme Lafortune remarque d’ailleurs que les recherches et documents réalisés par des femmes en STIM entre les années 1980 et 2000 ne se retrouvent pas nécessairement sur le Web. »Ce serait intéressant de mettre ces documents en PDF, par exemple, et de les rendre disponibles quelque part. Ça éviterait de recommencer des choses qui ont déjà été faites et qui étaient déjà innovantes à l’époque » , précise-t-elle.
Les codirectrices souhaitent que les propos que l’on retrouve dans le Manifeste puissent être discutés en classe, dans les familles et avec les conseillers et conseillères en orientation.
« Dans le manifeste, on aborde une remise en question dans l’éducation. Il faut poser des actions pour inciter les filles à opter pour les STIM sans qu’elles ne soient freinées, notamment auprès des intervenants, des parents, des enseignants, des conseillers en orientation. Il y a des gestes subtils que l’on pose qui font en sorte qu’on laisse penser aux jeunes filles que ce ne serait pas aussi essentiel qu’elles réussissent dans les sciences » , explique Louise Lafortune.
« Ces petits gestes, ça peut être une mère qui dit à sa fille de consulter son père pour une question de mathématiques plutôt que de chercher elle-même la solution avec son enfant. Quand on est parent, c’est normal qu’on n’ait pas toujours la solution en quelques secondes. Chercher la solution avec son enfant montre que c’est normal de chercher » , précise-t-elle.
« Nos collègues en études du féminisme parlent souvent du sexisme ordinaire, poursuit Audrey Groleau. C’est de revoir tous ces petits éléments pour les transformer pour que ça crée des leviers et des opportunités pour toutes les personnes qui veulent faire une carrière en STIM. »
La population est invitée à signer le Manifeste au www.uqtr.ca/manifeste.femmes.stim. On peut se le procurer sur le site Web des Éditions JFD.
Louise Lafortune et Audrey Groleau espèrent que ce Manifeste puisse permettre d’organiser un grand événement où des personnes aux perspectives différentes pourraient réfléchir sur ces questions et sur les recommandations formulées.