« Ça démontre que l’Ordre voit le projet d’un très bon oeil »
L’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec a décerné au Latuquois Patrice Bergeron le titre d’ingénieur forestier de l’année à l’occasion de son récent congrès annuel.
« Le titre d’Ingénieur forestier de l’année est décerné à un membre pour souligner sa contribution exceptionnelle au développement et à la promotion de la profession d’ingénieur forestier. Le ou la récipiendaire devra s’être démarqué dans les sphères d’activité de notre profession, notamment en ayant fait preuve d’initiative, de leadership ou d’innovation », précise l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec.
« Ç’a été une grande surprise, s’exclame le président de Bio Énergie La Tuque (BELT) le projet qu’il pilote en compagnie de Patrice Mangin et de plusieurs administrateurs, dont des membres du Conseil de la nation atikamekw. On est presque 2000 ingénieurs forestiers au Québec. Il y a d’éminents chercheurs et professeurs qui auraient pu recevoir ce prix. Ils ont décidé de me le décerner et c’est principalement pour mes efforts pour développer la filière de biomasse et de carburants renouvelables avec le projet BELT ».
C’est effectivement parce qu’il sort des sentiers battus et qu’il voue sa carrière actuelle à une autre façon d’exploiter la forêt que l’œuvre de Patrice Bergeron a été reconnue.
On souligne que Patrice Bergeron a réussi à sécuriser un financement de près de 6M$ pour la seconde phase cruciale du projet BELT pour démontrer la viabilité technico-économique et finaliser le choix du procédé de la future usine de bioraffinerie. Rappelons que l’usine serait la première du genre au Canada et permettrait de produire du biocarburant de transport.
« L’Ordre voit le développement de cette filière-là comme quelque chose qui peut être très bien dans le cadre de la profession. Ça va permettre aussi de développer une ressource qui est non valorisée actuellement », indique Patrice Bergeron.
Il ne le cache pas, il a nettement l’impression qu’avec cette tape dans le dos, l’OIFQ marche à ses côtés dans les étapes menant à la réalisation du projet BELT : « Ça démontre que l’Ordre voit le projet d’un très bon oeil ».
M. Bergeron n’est pas le premier Latuquois à remporter cette distinction. En 2013, Luc LeBel en avait également été décoré.
« La partie n’est pas gagnée, mais l’Ordre tient à souligner le leadership, le travail acharné pour instaurer une nouvelle utilisation de nos ressources forestières ainsi que la grande détermination de cet ingénieur forestier, en lui décernant le titre d’Ingénieur forestier de l’année 2021, conclut l’OIFQ.
Se démarquer parfois hors de la forêt
Son parcours n’a rien de linéaire. Après ses études, il œuvre comme chef forestier dans des scieries du Bas-St-Laurent, après quoi il revient travailler en Haute-Mauricie pour une filiale de la Coopérative forestière du Haut-Saint-Maurice, ce qui le conduira ensuite à accepter le poste de directeur du Service de développement économique et forestier de La Tuque (SDÉF).
Comme il l’affirme lui-même, il est un des rares ingénieurs forestiers à avoir été embauché par une ville pour faire du développement économique.
M. Bergeron a fait la démonstration qu’un ingénieur forestier peut se démarquer hors de la forêt. « Je travaillais en forêt, avec la nature […] J’ai fait un changement majeur dans ma carrière en acceptant ce poste-là (au SDÉF). Je devais être un des seuls ingénieurs forestiers à mettre en place une résidence pour personnes âgées, à travailler sur le cellulaire, à travailler pour développer des commerces, tout en développant ce projet-là (BELT) », remarque-t-il.
Cela démontre la polyvalence et la capacité d’adaptation dont font preuve les membres de l’OIFQ. Il a quitté son poste au SDÉF à contrecoeur, car il lui fallait se consacrer à 100 % au projet BELT auquel il croit dur comme fer. « Un jour, j’en suis sûr, on va faire voler nos avions, faire rouler nos voitures et même faire fonctionner nos machineries forestières à partir de nos ressources forestières. À ce moment-là, ce sera un grand jour pour le Québec », envisage-t-il.
Il s’est notamment impliqué dans la Chambre de commerce et d’industrie du Haut-Saint-Maurice, dont il a été président.
Projet plus vivant que jamais
Veut, veut pas, le prix vient donner du lustre au projet BELT. « Longtemps, on m’a dit : tu rêves en couleurs, c’est gros. […] Le projet est sérieux, on a le meilleur partenaire financier (Nesté) » fait remarquer l’ingénieur forestier.
BELT chemine bien, d’ailleurs. La réouverture de frontières aide, après quelques mois plus tranquilles. « On a rencontré des entrepreneurs », laisse savoir Patrice Bergeron. Le nouveau conseil de Ville de La Tuque sera aussi mis au parfum, après quatre années plus difficiles.
Sauf que l’enjeu du pont de Rivière-au Lait demeure. Le pont, on le sait, est à une seule voie, ce qui nuirait au transport, une fois l’usine en place. « On travaille très fort avec le gouvernement et la nation atikamekw pour doubler cette voie-là, rapidement », dit Patrice Bergeron. On s’attend à commencer des études d’ingénierie d’ici les Fêtes pour établir si on doit construire un nouveau pont ou se servir des assises actuelles. Idéalement, BELT espère être fixé d’ici l’été prochain sur le sort de ce pont.
La ville a subi une décroissance, depuis les années 80, estime Patrice Bergeron parce qu’il n’y a pas eu de projet majeur ou de nouvelle industrie sur le territoire. BELT pourrait renverser la vapeur. Il rappelle que son projet ne vise pas à compétitionner l’usine West Rock, parce qu’on ne vise pas l’approvisionnement dans la même qualité de fibres. « Pour la main d’œuvre, on est prêt à travailler avec l’usine pour s’assurer qu’on puisse cohabiter dans l’harmonie », réitère le président de BELT.