La crise du logement s’accentue en Mauricie
On aurait pu s’attendre à ce qu’Info Logis ait eu un plus grand nombre de demandes et de questions depuis le début de la pandémie. L’organisme a plutôt constaté le phénomène inverse.
«Le confinement a eu un effet de vague de peur. Dans la première portion, beaucoup de gens étaient en processus de recherche de logement ou de renouvellement de leur bail. On attendait plusieurs informations sur les possibilités de visite de logement, notamment. Les gens n’étaient pas dans le souci de régler des problèmes de logement. Je crois qu’ils étaient plutôt en état de crise. On a fait le tour pour voir si tout le monde allait bien. On a accompli notre rôle davantage dans l’accompagnement et les appels de courtoisie pour rassurer les gens», explique Carolanne Côté, coordonnatrice d’Info Logis Mauricie, anciennement connu sous le nom du Comité logement Trois-Rivières.
Le nombre des demandes est maintenant revenu à la normale. «(…) On va retomber bientôt dans une période de déménagement. Peut-être que des gens ont reporté leur projet de déménagement à cette année. Ça va arriver vite. On est dans la période des renouvellements de bail», rappelle-t-elle.
Surtout que la Mauricie n’est pas à l’abri d’une crise du logement. Déjà, Mme Côté la voit. Info Logis Mauricie sonne d’ailleurs l’alarme depuis plusieurs années.
«On a la chance d’avoir un filet social en Mauricie qui nous permet d’échapper le moins de gens possible, mais on constate que la crise du logement s’accentue d’année en année dans la région. Il y a des logements qui sont complètement inabordables pour les gens d’ici. On a vu récemment un logement à 800$ par mois, mais ce n’était pas un logement neuf. On pourrait dire que c’était un logement relativement normal. C’est quelque chose qu’on voit de plus en plus», affirme-t-elle.
Il faut dire que le bas prix des immeubles en Mauricie comparativement à d’autres régions encourage des gens à acquérir des immeubles locatifs dans la région. Info Logis Mauricie voit différentes tactiques servant à faire augmenter de beaucoup le prix mensuel d’un loyer, comme l’utilisation de rénovations pour procéder à des hausses de loyer exorbitantes.
Les dernières données révèlent que le taux d’inoccupation se situe maintenant sous le seul de balance de 3%, ce qui permet au locateur d’avoir le choix parmi beaucoup de locataires, ce qui peut entraîner de la discrimination, remarque Carolanne Côté.
«Il n’y a pas assez de logements disponibles à prix abordable pour que le seuil de balance soit équitable, ajoute-t-elle. Le taux d’inoccupation est si bas qu’on voit divers problèmes, comme des gens qui doivent habiter dans des logements inadéquats ou des logements qui demanderaient des rénovations importantes, parce qu’ils ne trouvent pas d’options qui peuvent convenir à leurs moyens.»
Elle constate également que des propriétaires ne se cachent même plus de faire de la discrimination dans leurs annonces. Mme Côté a même vu des propriétaires afficher qu’ils ne voulaient «pas de BS».
«C’est difficile aussi pour les autochtones. On leur dit au téléphone que le logement est disponible, mais quand ils viennent visiter, le propriétaire prétend qu’il a loué le logement deux minutes avant. C’est très fréquent», déplore-t-elle.
L’organisme a d’ailleurs accompagné 34 personnes dans un processus auprès de la Commission des droits de la personne.
«J’ai été choquée»
Carolanne Côté est à même de constater que la situation du logement en Mauricie diffère d’un territoire à l’autre. Mais si les problématiques varient d’un secteur à l’autre, les problèmes sont récurrents. L’un des gros enjeux demeure la salubrité des logements.
«Ce sont des situations très particulières, mais c’est le même type de problème, quoique peut-être pas dans les mêmes proportions. Il y a aussi de l’insalubrité dans les milieux ruraux, mais c’est très caché, de sorte qu’il arrive souvent que lorsqu’on se rend compte du problème, il est plus grave», raconte Mme Côté.
«Je ne pensais pas qu’on avait ça en Mauricie. C’est de la précarité, beaucoup de détresse et de solitude, confie-t-elle. L’insalubrité est un problème très personnel. C’est poignant et humain comme problématique. J’ai vu une famille qui ne dormait plus depuis des semaines à cause de coquerelles dans le logement. J’ai vu des gens qui acceptent des situations inacceptables par peur de représailles. C’est aberrant. J’ai été choquée dans ma première année chez Info Logis Mauricie de voir cette détresse. Chez soi, c’est notre refuge. Le logement, c’est plus que monétaire. C’est aussi de se sentir bien et en sécurité, même si tu ne gagnes pas un salaire exorbitant. Tu as le droit d’avoir quelque chose de décent.»
Info Logis étend ses actions partout en Mauricie
Pour clarifier son mandat, le Comité logement Trois-Rivières change de nom et devient Info Logis Mauricie.
«Beaucoup de personnes pensaient qu’on était une entreprise de gestion d’immeubles ou de logements à louer. On voulait quelque chose de plus clair sur notre mandat. Puis, comme notre mission est régionale, il fallait faire un changement de nom. Avant, nos revenus n’étaient pas assez substantiels pour arriver couvrir les demandes partout en Mauricie. Maintenant, c’est le cas et ça nous permet d’avoir un meilleur champ d’action», précise Carolanne Côté.
Cette année, Info Logis Mauricie souhaite étendre ses actions à travers la Mauricie, voire offrir un point de service à Shawinigan quelques fois par mois. L’organisme évalue présentement les besoins de la population sur les différents territoires de la région afin de se faire connaître de ces secteurs.
Un gel des loyers demandé
Avec la pandémie qui continue d’avoir des impacts sur le plan économique, Info Logis Mauricie soutient qu’un gel des loyers serait bénéfique en 2021.
«Ce serait relativement facile à mettre en place vu que ça avait déjà été fait. La Colombie-Britannique est allée de l’avant avec cette mesure aussi. On demande un gel et un contrôle des loyers pour éviter que ça devienne un problème plus gros», indique Mme Côté.
La coordonnatrice d’Info Logis Mauricie aimerait également voir la mise en place d’un moratoire sur les évictions durant la pandémie, comme ce fut le cas au printemps dernier, pour éviter que des gens se retrouvent sans recours. L’Ontario a d’ailleurs annoncé un nouveau moratoire contre les évictions pour la durée de la situation d’urgence.
«Comme c’était le cas en mars dernier, la flambée des cas de COVID-19 se conjugue à une grave crise du logement. Le gouvernement de la CAQ sait très bien que la loi actuelle fait défaut et qu’il doit colmater les brèches qui permettent les expulsions abusives, notamment les rénovictions. Nous allons continuer de veiller au grain afin que la loi soit revue et corrigée, mais en attendant ces changements, il est urgent de décréter un nouveau moratoire sur les évictions. Personne ne doit se retrouver à la rue en plein couvre-feu», lance Andrés Fontecilla, porte-parole de Québec solidaire en matière de logement et d’habitation, par voie de communiqué.