La tordeuse d’épinette aperçue en Haute-Mauricie et Mékinac
ENVIRONNEMENT. La tordeuse des bourgeons d’épinette (TBE) continue de faire des ravages dans les forêts du Québec. L’infestation est en forte croissance partout. Et ses avancées semblent inéluctables.
La TBE s’attaque à quatre essences d’épinette, de même qu’au sapin baumier. Elle «ravage aujourd’hui les régions de la Côte-Nord, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de l’Abitibi-Témiscamingue, du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et aussi celles de la Capitale-Nationale, de la Mauricie et des Laurentides» et aussi de l’Outaouais rapporte le ministère de la Faune, des forêts et des Parcs (MFFP).
De 2009 à 2019, le nombre d’hectares de forêt québécoise touchés par la tordeuse a fait un bond spectaculaire en passant de 321 146 ha à 9 608 488 ha. Près de 13 537 273 ha de forêts sont aujourd’hui infestés par la tordeuse selon le dernier rapport sur les Aires infestées par la tordeuse des bourgeons de l’épinette au Québec en 2020, publié le 28 septembre dernier par le MFFP.
L’épidémie progresse partout en 2020. Dans le Bas-Saint-Laurent, les superficies touchées ont augmenté de 9%, pour atteindre 1 308 481 ha. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, les aires défoliées ont augmenté de 59% et les dommages sont parfois qualifiés de graves dans la région. Même scénario dans la région de la Capitale-Nationale où les superficies touchées ont augmenté de 57% pour atteindre 110 915 ha. La superficie atteinte a aussi doublé en Abitibi-Témiscamingue, se hissant à 2 551 563 ha. La progression est plus modérée sur la Côte-Nord où elle atteint les 21%.
Haute-Mauricie et Mékinac
La vulnérabilité des forêts de la Haute-Mauricie et de Mékinac demeure faible rapporte l’étude du MFFP. Ces régions étant pour l’heure peu touchées par la tordeuse. «L’atteinte est vraiment modérée et très ciblée et la progression de l’infestation est lente: près de 77 ha en 2018, 202 ha en 2019 et 380 ha en 2020. C’est vraiment de la défoliation légère, la pousse annuelle est défoliée à moins de 35%. Ça a un impact relativement mineur sur les arbres», explique Pierre Therrien, biologiste, Ph. D. de la direction de la protection des forêts qui a participé à l’étude.
Processus naturel
L’épidémie va inévitablement gagner du terrain, car les papillons de la tordeuse voyagent sur des centaines de km. Les scientifiques tentent de calmer le jeu. L’insecte «est présent dans les forêts du Québec depuis des milliers d’années. Les premiers arrosages d’insecticides contre la tordeuse remontent aux années 1950. Et malgré cela, on a encore des sapins et des épinettes», note M. Therrien. «L’insecte est adapté. C’est un phénomène naturel qui permet de régénérer les forêts.»
Baisse draconienne de l’épandage d’insecticides
À Québec, on reproche au gouvernement d’avoir réduit le programme de pulvérisation 2020 de la SOPFIM à une peau de chagrin pour les régions de l’est du Québec. «Ceci n’a pas un impact majeur sur le cours d’une épidémie, ni sur la probabilité de survie des arbres, explique M. Therrien. Quand on arrose, ce n’est pas pour éradiquer la TBE. Ça prend des années de défoliation grave avant qu’un arbre ne meure. Sauter une année, n’aura que peu d’incidences.»
Jean-Yves Arsenault, directeur général SOPFIM, responsable de l’épandage annuel des insecticides, confirme ce recul des superficies traitées. «Le programme qui prévoyait 640 000 ha, a été réduit à 111 000 ha et orienté juste en terrain privé», dit-il. Près de 500 travailleurs et une centaine d’aéronefs devaient être déployés cette année par la SOPFIM. Il n’y a eu au final qu’une centaine de personnes et cinq avions. Le confinement a complètement changé la donne en 2020.
«On protège des aires admissibles qui comportent des pourcentages de résineux. L’objectif de la SOPFIM est de protéger 50% du feuillage des peuplements visés par les traitements. La défoliation cumulative est évaluée avant les interventions. C’est un phénomène naturel et il faut l’accepter», ajoute M. Arsenault. On essaie de préserver « les secteurs à haute valeur économique», soutien M. Therrien. Les forestières peuvent ainsi récupérer du bois de coupe, même dans les secteurs très infestés comme celui du Saguenay et de la Côte-Nord. On combat aussi la TBE par la récolte préventive, en récupérant les arbres morts, par certains traitements en période épidémique et par l’arrosage d’insecticides biologiques. «Il faut être vigilants», conclut M. Therrien.