Suzie Basile prend la tête d’une nouvelle chaire de recherches
RECHERCHE. La professeure Suzie Basile de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) vient d’être nommée titulaire de la nouvelle Chaire de recherche du Canada sur les enjeux relatifs aux femmes autochtones.
Cette nouvelle Chaire de recherche bénéficie d’un financement de 500 000$ accordé par le Secrétariat canadien des Chaires de recherche. Elle a pour mandat de «documenter et cartographier les expériences des femmes autochtones de diverses parties du monde en matière de gouvernance, de relations au territoire, de connaissances et de savoirs portant sur l’environnement».
Susy Basile en prend la direction. Mme Basile, une Atikamekw originaire de Wemotaci, est aussi professeure à l’École d’études autochtones de l’UQAT et directrice du Laboratoire de recherche sur les enjeux relatifs aux femmes autochtones (des Premières Nations, Inuit et Métis) — Mikwatisiw.
Mme Basile est évidemment très fière d’assumer la direction de cette nouvelle Chaire de niveau 2, d’autant qu’elle est attribuée «à des chercheuses et des chercheurs émergents exceptionnels considérés par leurs pairs comme étant susceptibles de devenir des leaders dans leur domaine», écrit l’UQAT. La Chaire est unique en ce sens qu’elle est « dédiée à la parole des femmes. À s’assurer qu’on leur fasse une juste place, en sciences également, à ce que leur voix soit entendue », explique Mme Basile, qui souhaite par son travail, «redonner la parole aux femmes autochtones sur des enjeux qui leur sont fondamentaux, comme leur lien au territoire». Elle veut aussi «inciter plus de femmes autochtones à persévérer jusqu’aux études supérieures». La Fondation de l’UQAT qui réserve 100 000$ en bourses sur cinq ans à cette nouvelle Chaire.
Mme Basile ne mâche pas ses mots, le temps venu. Ses travaux «vont mettre l’accent sur les efforts de décolonisation nécessaires à une participation pleine et entière des femmes autochtones à la gouvernance territoriale et au renforcement de leurs capacités, par l’étude de leur relation à l’environnement et à l’épanouissement de leur société», dit-elle.
«On est apparemment dans une aire de réconciliation. Moi, je n’en vois pas la couleur. Un des éléments auquel il faut s’attaquer de front, c’est bel et bien la décolonisation. Je sais qu’au Québec ça froisse beaucoup d’oreilles. Il faut décoloniser pour reprendre sa place, s’assurer que les peuples autochtones soient enfin respectés, traités à leur juste valeur. Pas besoin d’aller très loin pour voir qu’il y a encore des problèmes », ajoute Mme Basile, citant le décès de Joyce Echaquan le mois passé dans un hôpital de Joliette.
«Je crois que ça fait partie d’un processus nécessaire. Cela a forcément des retombées sur les segments de recherche auxquels je compte m’attaquer». La Chaire dont l’un des premiers mandats sera de «se pencher sur les possibles stérilisations forcées de femmes autochtones au Québec», ajoute Mme Basile. Un des sujets qui l’intéresse le plus, est celui de « la participation des femmes autochtones aux prises de décision et aux consultations sur les enjeux territoriaux. Ça semble plus difficile pour certaines. Et de leur expérience des changements climatiques. On sait qu’ils affectent les savoirs et les pratiques sur le territoire. Toute une série de bouleversements dont les femmes autochtones ont fait les frais sans qu’on leur demande leur avis».
Mme Basile s’intéresse depuis de nombreuses années aux enjeux liés aux cultures autochtones. Elle est membre du Réseau dialogue, du Réseau en études féministes du Québec, du comité d’éthique de la recherche entre institutions et du Groupe de référence sur l’évaluation de la recherche faite en contexte autochtone, pour ne citer que ceux-là.
Anthropologue de formation et détentrice d’un doctorat en sciences de l’environnement, Mme Basile «est toujours connectée à sa Nation » et à tant d’autres, de par les recherches qu’elle mène. «Présentement j’ai un projet de recherche avec les femmes de la communauté autochtone d’Obedjiwan, je vais régulièrement à Manawan. Les communautés algonquines de la région sont tout près, ma fille est scolarisée à Pikogan. Je suis régulièrement en contact avec les femmes innues de Natashquan.»