Les médecins spécialistes veulent mieux comprendre la réalité des proches aidants
La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) est venue à la rencontre d’organismes, de proches aidants et d’aidés afin de mieux comprendre les besoins des proches aidants dans le cadre d’un atelier d’innovation sociale.
Toute la journée, les différents acteurs de la proche aidance de la région ont eu l’occasion d’échanger sur les besoins et les défis qu’ils rencontrent au quotidien.
« C’est le 10e anniversaire de la Fondation FMSQ. On soutient les proches aidants depuis le début. Cette fois-ci, on voulait aller un peu plus loin. On subventionne les organismes qui œuvrent en proche aidance, mais on souhaitait aller sur le terrain et mieux comprendre les réalités des patients, des proches aidants et des organismes qui les soutiennent », explique Dr Vincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.
Plusieurs organismes de la région ont pris part à la journée d’ateliers, dont le Pôle d’économie sociale de la Mauricie, l’Association des handicapés adultes de la Mauricie, l’Association déficience intellectuelle et du trouble du spectre de l’autisme Centre-Mauricie/Mékinac, Aidants Vallée Batiscan, la Fondation RSTR, I’Appui et le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec.
« C’est super inspirant comme journée. C’est intéressant de voir la vie des aidés, des aidants et des intervenants du milieu. Ça nous aidera à trouver des solutions bonifiées. On réalise que le besoin est encore plus criant que ce qu’on savait déjà. Essentiellement, le besoin, c’est les ressources humaines et financières. On vit aussi des défis en matière de transport », fait remarquer Mélanie Lethiecq, de l’Association des handicapés adultes de la Mauricie.
Manon Giroux, proche aidante, a aussi participé à la journée. Au début de la pandémie, elle a décidé de prendre sa retraite pour prendre soin à temps plein de sa mère de 91 ans qui souffre d’Alzheimer et de sa tante de 72 ans qui vit avec une déficience intellectuelle sévère qui fait en sorte qu’elle a l’âge mental d’un enfant de 0-5 ans.
« On manque vraiment de ressources financières, lance-t-elle. On nous en octroie un peu, mais soudainement, on nous en enlève. C’est un gros enjeu sur le plan financier, mais aussi au niveau des ressources de gens. On est en pénurie. J’ai la chance d’avoir créé une équipe autour de moi, mes amis, ce qui me donne la chance d’avoir du répit. Il y a un besoin important de bénévoles et de travailleurs autonomes pour nous aider. »
« C’est beaucoup le message que je prône: les proches aidants, on doit prendre soin de soi pour bien prendre soin de nos aidés. On a tendance à s’oublier. Mais je pense qu’au lieu de bâtir des maisons pour aînés, on devrait investir dans la proche aidance et les associations communautaires qui en ont besoin pour les proches aidants, ajoute Mme Giroux. Il y a pas mal plus de gens qui s’occuperaient de leurs parents, de leur conjoint ou leur conjointe ou de leur enfant s’ils avaient un retour financier, aussi. J’ai dû arrêter de travailler. Je n’ai pas de salaire. Il faut avoir un revenu autre. »
Le Québec compte environ 1 489 000 proches aidants comme Manon Giroux. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, ils assureraient 85% des soins au aînés qui, s’ils étaient pris en charge par des professionnels de la santé, coûteraient entre 4 et 10 milliards $.
« Environ une personne sur quatre est un proche aidant. Ceux-ci sont impliqués dans toutes les sphères de la médecine. Si on n’avait pas les proches aidants, le système ne fonctionnerait pas, affirme Dr Oliva. On ne serait pas capable de former et de payer tout ce personnel. C’est un système fragile et la pandémie l’a mis en lumière. »
Manon Giroux a trouvé cela difficile de se retrouver 24 heures par jour et sept jours sur sept dans une situation de proche aidante. « Ce qui m’a sauvé la vie, c’est quand j’ai commencé à faire des vidéos pour démystifier la maladie d’Alzheimer, la déficience intellectuelle, pour que les gens voient que le côté d’un proche aidant peut être très beau aussi », confie-t-elle.
La journée d’innovation sociale a permis de connaître plus précisément les besoins dans la région, car si certains besoins sont plus universels, d’autres varient de région en région.
« Des patients qui ont un handicap physique nous disent qu’ils n’ont pas d’assiette ou de tasse adaptée à leurs besoins, indique le Dr Oliva. Il y a des ressources matérielles et de transport adapté qui manquent. Des journées d’ateliers comme aujourd’hui nous aideront à orienter nos décisions pour les subventions. Comme médecin spécialiste, on peut aussi développer des outils, des formations par capsules vidéo, organiser des webinaires, etc. »
« Le concept d’innovation sociale nous donne l’occasion d’avoir le point de vue de tout le monde. On voit ça comme une journée d’apprentissage, poursuit-il. À Montréal, c’est plus simple d’avoir accès à des soins plus poussés comparativement aux régions. Le proche aidant doit s’adapter à cette réalité aussi. »