« Il faut rappeler que la culture joue un rôle essentiel »
Le milieu des arts et de la culture a vécu difficilement la pandémie, à travers les fermetures des salles de spectacles, musées et centres d’exposition, ainsi que dans un contexte où la situation changeait constamment. Quelles leçons le milieu culturel pourrait-il en tirer?
Le professeur en études théâtrales et chercheur Hervé Guay a risqué une réponse à l’occasion d’une matinée-conférence organisée par Culture Mauricie et l’Université du Québec à Trois-Rivières.
« Je pense que l’une des leçons à retenir, c’est aussi le plaisir de la culture. Il faut rappeler que la culture joue un rôle essentiel dans la santé mentale du public et même dans la santé physique pour les personnes qui pratiquent la danse, par exemple », note-t-il.
Hervé Guay considère que la culture s’est enrichie pendant cette période trouble grâce à certaines initiatives originales, mais qu’à l’inverse, beaucoup d’artistes et de travailleurs de la culture se sont appauvris, en particulier les artistes et travailleurs de la relève. « On s’est enrichi sur de nouvelles pistes et façons de faire les choses et aussi d’amener plus loin la médiation culturelle en allant à la rencontre des publics », précise le professeur et chercheur.
Dans la région, on a notamment vu des musiciens offrir des prestations dans les cours de résidences pour aînés, rejoindre leur public par l’entremise du web, etc.
Mais il faut aussi prendre le temps d’amorcer une réflexion sur le modèle du milieu culturel du Québec, soutient M. Guay.
« Une des faiblesses du milieu culturel, c’est qu’on est bon pour financer une fois une activité. Par contre, quand on veut la répéter, il n’y a plus personne pour la soutenir et, au final, ça finit par cesser, faute de pérennisation, avance-t-il. Je pense que le modèle de produire vite de nouveaux concepts et de nouvelles activités a peut-être atteint ses limites. »
Hervé Guay est également l’un des chercheurs du Centre interuniversitaire de recherche sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ) ayant contribué à la réalisation d’un recensement sur les initiatives culturelles inédites et les tendances qui se sont manifestées durant la pandémie. L’exercice a essentiellement pour objectif de conserver une trace de cette période hors de l’ordinaire.
« La seule autre fois où les théâtres se sont retrouvés fermés, c’est à l’époque de la peste, rappelle M. Guay. Les salles de théâtre étaient restées ouvertes pendant les guerres. »
Au fil du recensement, l’équipe de chercheurs a d’abord constaté une transition rapide des activités culturelles vers le numérique, mais dans des formes peu peaufinées. Il cite en exemple les chanteurs qui offraient des prestations en direct de leur salon en se filmant avec leur cellulaire ou encore aux artistes qui sont sortis sur leur balcon pour chanter ou faire de la musique.
On a aussi vu émerger plusieurs initiatives originales visant à aller à la rencontre du public confiné et des gens isolés. Dans la foulée du premier déconfinement, certaines activités ont pu reprendre en présence et les activités proposées en ligne se sont peaufinées. Ainsi, des festivals offraient des capsules vidéo à la mise en scène élaborées, tandis que des organisations culturelles ont redécouvert l’espace public et l’extérieur pour tenir des activités.
« Il y a eu une certaine normalisation dès septembre 2020. Les activités en ligne sont alors devenues normales, mais on a également constaté une fatigue numérique qui s’installait. Cela a bénéficié aux librairies qui ont vu une grande augmentation dans la vente de livres durant cette période. Maintenant, je dirais qu’on est plus dans une phase de résistance, mais aussi de remise en question par une partie du milieu culturel de cette nouvelles normalité et de ses conséquences importantes », explique M. Guay.
« Je pense que l’archivage que l’on effectue pourra servir à distinguer les mesures transitoires de celles qui peuvent rester et perdurer dans le milieu culturel », conclut-il.