La première scénographe atikamekw
CULTURE. La scénographe d’origine atikamekw Julie-Christina Picher participe à de nombreux projets théâtraux et cinématographiques. Elle signe d’ailleurs la direction artistique du dernier film de Chloé Leriche, Soleils atikamekw, qui sera présenté le 17 avril prochain au Complex culturel Félix-Leclerc.
La réalisatrice de Soleils atikamekw a effectué un travail important sur le terrain avant d’entamer son tournage. C’est celui-ci qui l’a mené à la rencontre de Julie-Christina Picher. « Avec tout le travail d’écriture que Chloé a fait avant de tourner le film, ça n’a pas été long que mon nom est sorti dans ses rencontres avec les familles atikamekw, donc elle m’a contacté », raconte Julie-Christina Picher.
« J’avais vu son premier film Avant les rues, que j’avais vraiment trouvé remarquable. Quand je l’ai vu au cinéma, j’ai fait »wow, c’est un super beau film ». Puis je m’étais rappelé ce nom-là, Chloé Leriche. Je me disais qu’il fallait je j’investigue un peu ». Ainsi, c’est avec beaucoup d’humilité et de reconnaissance que la scénographe a entamé des discussions avec Chloé Leriche concernant le tournage de Soleils atikamekw.
« Au début, je voulais travailler sur le film comme assistante-décoratrice ou coordonnatrice, mais je ne voulais pas faire la direction artistique. Je trouvais que je n’étais pas assez expérimentée ». Malgré tout, Chloé Leriche a proposé à Julie-Christina Picher le poste de direction artistique qu’elle a finalement accepté.
Le tournage de Soleils atikamekw s’est échelonné sur plus de deux mois et consistait en des journées denses de travail comme l’explique la directrice artistique. « C’était intense de travailler 7 jours sur 7, du 70h par semaine, mais d’être avec une gang d’Atikamekw qui parlait ma langue, on s’est fait beaucoup de fun. D’être dans ma communauté, ça m’a fait beaucoup de bien. De retrouver ma langue maternelle aussi ». Elle souligne effectivement comment toutes ces rencontres furent enrichissantes.
« Je me suis vraiment ancrée dans le territoire et ça m’a fait beaucoup de bien malgré que le film n’était pas facile au niveau de son sujet. C’était vraiment une belle expérience », témoigne Julie-Christina Picher.
La directrice artistique relève par ailleurs de l’aspect particulièrement poignant de l’œuvre et invite la population à voir le film en salle. « Ça vient vraiment nous chercher. C’est d’une grande finesse. Donc j’invite vraiment les gens à le voir au cinéma parce que ce film-là a été tourné pour être vu au cinéma ».
Le parcours artistique
Julie-Christina Picher porte un intérêt pour les arts depuis son jeune âge. « Lorsque j’ai vu la neige pour la première fois, je me rappelle d’avoir nommé que je pensais que c’était de la peinture qui était tombée partout », ricane-t-elle.
« J’ai toujours été attirée par le travail manuel. Je voyais beaucoup mon grand-père fabriquer plein de choses, donc l’artisanat et la construction m’ont toujours intéressée ». C’est ainsi qu’elle fit des études collégiales en art visuel, la peinture apparaissant comme étant son premier médium artistique.
Ce n’est que quelques années plus tard, dans la cadre d’un salon de l’éducation qu’elle vit la possibilité de faire un métier de la scène. Elle s’est ainsi dirigée vers un programme de quatre ans en production scénique au Collège Lionel-Groulx. « J’ai vécu beaucoup de choses pendant ces quatre ans-là. J’ai perdu mon frère, puis j’ai commencé à être un peu plus intéressée par tout ce qui est en lien avec vérité et réconciliation », mentionne Julie-Christina Picher.
Étant née à La Tuque et ayant grandi en partie dans la communauté de Wemotaci, la scénographe s’était autrefois éloignée de ses racines autochtones. « Je m’étais un peu désintéressée parce qu’il y avait beaucoup de violence, beaucoup de trucs qui se passaient qui n’étaient pas sain. Puis mon frère s’est enlevé la vie. Il y a plusieurs suicides da ma famille, donc ça a été des années plutôt dures ».
Elle poursuit, « c’est vraiment la Commission de vérité et réconciliation à laquelle j’ai participé qui m’a reconnecté avec ma culture. Ça m’a apaisé. C’est aller chercher beaucoup d’émotions, puis j’ai eu envie de m’inspirer de cette colère-là », relève-t-elle. À la suite de ces évènements, Julie-Christina Picher a réalisé une série de peintures intitulée Kinokewin qui s’inspirait de certains souvenirs. « C’était inspiré de mes souvenirs d’enfance, donc toute la douceur… C’est tellement le fun de grandir en communauté dans le bois. Toute la liberté que ça offrait ».
Elle a commencé lors de cette même période à travailler comme scénographe pour la compagnie de théâtre francophone autochtone Ondinnok. « C’est vraiment là que j’ai fais »ok il y a du théâtre autochtone! Je peux me diriger vers ça ». Donc j’ai commencé à faire plusieurs projets avec eux. C’est une belle grande famille que j’apprécie beaucoup. J’ai beaucoup évolué grâce à eux dans le milieu théâtral, mais humainement aussi », raconte-t-elle.
C’est dans les années qui suivirent que Julie-Christina Picher fut initié au milieu du cinéma, notamment sur des films de François Delisle et Bernard Émond.
Projets à venir
L’artiste travaille sur de nombreux projets. On note entre autres le projet théâtral et performatif NIGAMON / TUNAI présenté à Espace Go à Montréal dès le mois de mai dont elle signe la scénographie. Par ailleurs, Julie-Christina Picher démarre actuellement un projet personnel avec deux amies qui consistera en une performance artistique. « Tous mes projets à venir sont dans le milieu autochtone. Donc je me suis vraiment centralisée vers ça », conclut-elle.