Un manque à gagner qui affecte les services aux personnes handicapées
La diminution des subventions salariales étudiantes cause des impacts négatifs dans le milieu communautaire. Trois organismes dénoncent les coupures du programme Emploi d’été Canada et illustrent concrètement comment leurs bénéficiaires et leurs familles sont touchés.
L’été dernier, plusieurs organismes ont dû réorganiser leur offre de services, souvent à la dernière minutes, avec parfois jusqu’à moins de la moitié des subventions qu’ils recevaient habituellement.
Le Regroupement d’organismes de promotion pour personnes handicapées, région Mauricie, a réuni quelques-uns des organismes touchés par des coupes budgétaires d’au moins 30 % qui totalisent un peu plus de 800 000 $ pour les circonscriptions de Trois-Rivières (492 000 $) et Berthier-Maskinongé (314 000 $) seulement.
« Le programme nous permettrait d’avoir en moyenne cinq ou six étudiantes pour l’été ce qui nous permet d’offrir un service d’accompagnement à notre clientèle qui vit avec des limitations intellectuelles ou physiques, indique la directrice générale de Parrainage civique du Trois-Rivières métropolitain, Julie Durand. Cette année on est passé de cinq étudiantes à deux étudiantes. »
Une centaine de membres comptait sur les services de l’organisme.
« Avec deux étudiantes, ça fait 50 personnes chacune, ça n’a pas de sens. On a regardé dans nos budgets pour être en mesure d’engager au moins une troisième personne pour essayer d’offrir un minimum de services à nos membres. La charge de travail pour les trois étudiantes a été en moyenne de 35 personnes pour faire de l’accompagnement. Les membres sont habitués de recevoir en moyenne de 20 à 40 heures de répit pour l’été. Et là il y avait huit heures de répit par personne. »
Les organismes sont placés devant le choix de diminuer les services ou de puiser à même leur budget de fonctionnement des dépenses supplémentaires imprévues, ce qui ne fait que reporter le problème.
« En plus, pour être sûr avec la pénurie de main-d’œuvre, on majore les salaires minimums à 18 $ l’heure. On voulait être sûrs d’avoir des étudiants. »
Comme plusieurs l’ont souligné, les réponses aux demandes de subventions salariales tardent parfois à venir. Puisqu’elles peuvent être sensiblement les mêmes d’année en année, il arrive que les gestionnaires embauchent le nombre de personnes requises pour offrir les services d’été avant d’obtenir la confirmation du financement.
« Les réponses sont très tardives. J’avais déjà engagé des gens que j’ai dû rappeler pour annuler, déplore Mme Durand. Si on avait les réponses plus tôt, on pourrait dire qu’on accepte par exemple 60 personnes au lieu de 100. Donc, ça a vraiment un impact sur notre quotidien et celui des étudiants. »
Romy Gobeil aime beaucoup l’emploi qu’elle occupe chaque été depuis 2019. Elle est accompagnatrice au Parrainage civique.
« D’habitude, on avait une quinzaine de membres par étudiant. Ça nous permettait de leur donner beaucoup d’heures pour faire des activités et faire des activités qui sont plus longues. Cette année, on en avait 35. Ça a été vraiment plus difficile de pouvoir donner du temps à tout le monde, de travailler la gestion du temps avec eux. On a dû gérer le mécontentement des personnes. Ils voulaient plus de temps parce qu’ils sont habitués à avoir plus de temps. Ça enlève une qualité à l’activité qu’on fait. Eux ils sont tristes: depuis le début ils savent qu’on a juste huit heures cet été comparé à d’habitude, il y avait 20 heures de plus. »
À l’Association des parents d’enfants handicapés, la directrice générale Lyne Sergerie indque que les sommes octroyées ont également été réduites de plus de la moitié.
« Depuis plusieurs années, on recevait 14 emplois d’été subventionnés à 100 %. Cette année, on reçoit une réponse positive à notre demande mais ils nous ont réduit à six personnes. Il nous en manquait huit pour assurer les services de base de l’été, soit entre 65 et 70 personnes qui viennent quatre jours par semaine. On a décidé d’offrir les services de l’été coûte que coûte, à même notre propre budget. »
Ce qui fait que l’impact sur une centaine de familles est reporté à d’autres périodes de l’année comme le temps des fêtes et la semaine de relâche.
« Je dis ça avec émotion parce que ce sont des périodes où les familles en ont le plus besoin. On a décidé de leur donner des services d’été, c’est bien, mais les autres périodes sont très importantes dans la vie des parents d’enfants handicapés, parce qu’entre l’été et ces périodes-là, il n’y a rien. C’est là qu’on voit arriver des demandes de répit plus importantes, puis on ne peut pas y répondre. Ça va avoir des impacts sur toute l’année. »
La directrice générale La Source, Association des personnes handicapées du Haut-Saint-Maurice, Annie Desrosiers, considère ces subventions salariales cruciales non seulement pour les besoins estivaux mais aussi à plus long terme au niveau de la relève.
« C’est une petite place donc il y a peu de main-d’œuvre. Les jeunes vont souvent préférer les grands centres. Donc on essaie d’attirer les jeunes à venir vers nous, mais c’est avec ce genre de subventions-là qu’on peut le faire. Les emplois d’été étudiants ça nous permet de rencontrer des gens qui veulent s’orienter dans le domaine de l’intervention. Ça nous permet de voir si ça convient à l’organisme, puis après de pouvoir espérer qu’ils reviennent à La Source. »
Le Regroupement d’organismes de promotion pour personnes handicapées, région Mauricie, demande au gouvernement fédéral de rétablir le financement, mais son directeur général, Steve Leblanc, n’est pas très optimiste.
« L’été 2023 ne fut pas une saison facile pour les organismes de notre secteur. Les familles et les personnes handicapées de la Mauricie ont subi les impacts et à la veille de déposer les demandes pour l’été 2024 rien ne semble vouloir s’améliorer, bien au contraire. Ça nous inquiète beaucoup pour les mois à venir. »