Vulgariser la science derrière les champignons

MYCOLOGIE. Oeuvrant dans le monde de la mycologie depuis plus de trente ans, Fernand Miron et Anita Royer souhaitent rendre accessibles à tous des connaissances scientifiques généralement réservées aux spécialistes du domaine des champignons. À cette fin, ils ont cofondé un organisme favorisant le partage de connaissances et publié des ouvrages de référence.

Shawiniganais d’adoption, le biologiste Fernand Miron et la technicienne Anita Royer ont développé plusieurs techniques innovantes dans le domaine de la culture du mycélium et ont fondé la Coopérative L’Autre Forêt à La Tuque.

« En Abitibi, on faisait la culture à grande échelle, en milieu stérile. Ici, avec la Coopérative L’Autre Forêt, on travaille en sous-bois, ce qui est un peu plus compliqué. Notre défi est de développer des techniques qui demandent des investissements moindres. On avait développé la technologie de semence liquide, qui est la meilleure façon d’ensemencer le substrat ligneux. C’est plus rapide et moins dispendieux », avait confié Fernand Miron en entrevue avec L’Écho à l’été 2012.

Aujourd’hui, le couple alimente sa passion en la transmettant aux autres à travers la Fondation Miron-Royer (www.fondationmironroyer.com), un organisme à but non lucratif qui a pour mission de vulgariser la science derrière les champignons.

Une image vaut mille mots

La création de la Mycothèque, une banque virtuelle contenant plus de 37 000 photos, est l’un des grands projets qu’ils ont réalisé afin de démocratiser la connaissance des champignons. L’objectif de cet attirail de clichés est d’illustrer la diversité des formes, des couleurs, des habitats ainsi que la répartition géographique des champignons du Québec et de l’Est du Canada.

Les photos sont prises par des mycologues amateurs qui acceptent d’illustrer de façon détaillée les champignons de leur région. Souvent, au moment de la prise de photos, la personne ne connaît pas nécessairement le nom du champignon, l’objectif étant de récolter en photos toute l’information qui permettra son identification par la suite au moyen de clés et d’ouvrages spécialisés ou avec la collaboration de spécialistes du domaine.

Réalité des cueilleurs

Le duo Miron-Royer a commencé à vendre des champignons frais dans les restaurants haut de gamme de Montréal en 1996. Ils ont alors appris les différentes étapes de la mise en marché des espèces comestibles prisées ainsi que les défis qui y sont liés.

Fernand Miron estime que lors du nettoyage, la masse du champignon est réduite d’au moins 20%. Cette perte s’explique par la saleté et les impuretés alors retirées des champignons. En plus de cette réduction notable du poids brut, un tri sévère doit être effectué au préalable. « Parfois, certains individus nous apportaient leurs champignons et nous étions forcés d’en déclasser les trois-quarts », a lancé M. Miron.

La saison des récoltes étant courte, il devient complexe d’être lucratif à l’année. « Pour arriver à survivre, ceux qui travaillent dans la vente du champignon vont, durant l’hiver, vendre des produits importés ou des produits mis en conserve », a dit l’entrepreneur retraité. Selon lui, cette stratégie s’explique par le fait qu’il est difficile de fournir aux demandes annuelles des restaurateurs et que dans cette situation l’offre garantit la demande. « Il faut être présent à chaque début de saison. Quelqu’un qui est situé en périphérie comme à La Tuque, doit avoir des intermédiaires qui lui achètent ses récoltes fraîches. »

L’autre alternative pour M. Miron est la vente de produits déshydratés. Toutefois, il avertit le public des risques que comporte l’achat dans les grandes surfaces.

Mise en garde

« À l’épicerie, les morilles, on les reconnaît, mais il y a beaucoup d’autres champignons séchés qui sont méconnaissables. Ce qui est vendu dans les épiceries, c’est officiel, ça ne provient pas du Québec ou du Canada parce que les prix sont beaucoup trop bas, présume le biologiste. Ce sont des produits achetés d’outre-mer en vrac et réemballés au Québec. »

Il considère également que les importations internationales séchées contiennent « à peu près n’importe quoi » et que les conditions ouvrières de certains pays exportateurs ne garantissent pas des aliments de qualité, voire même comestibles.

« En forêt, il faut faire une cueillette très propre et travailler comme si nous étions dans la cuisine du chef », a-t-il souligné tout en recommandant de travailler avec des gants et de se laver les mains régulièrement. Selon M. Miron et Mme Royer, la réfrigération est également cruciale, car le champignon doit passer par plusieurs étapes pouvant s’étaler sur plus d’une semaine avant d’arriver dans une assiette.

Héritage

Fernand Miron a entre autres réalisé le cahier des charges Champignons sauvages du Québec, comestibles et thérapeutiques à potentiel commercial pour le compte de l’ACPFNL, (Association pour la commercialisation des produits forestiers non ligneux) et du Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. Cet ouvrage régit l’ensemble de l’activité, de la cueillette à l’assiette, et décrit les bonnes pratiques qui régissent ce secteur d’activité.

« Rendre nos champignons sauvages disponibles à la portée de tous est un autre pas dans l’appropriation de notre terroir », a écrit le renommé Grand Chef du Toqué, Normand Laprise, en préface du guide de l’industrie mycologique.