Des jeux vidéo favoriseraient la santé mentale
MONTRÉAL — Certains jeux vidéo axés sur des routines quotidiennes, la création d’une communauté ou la résolution de mystères, plutôt que sur le combat et la compétition, pourraient être bénéfiques pour la santé mentale de leurs adeptes.
Ces jeux appelés «cozy games» en anglais, un terme qu’on pourrait librement traduire par «jeux légers» ou «jeux conviviaux», comprennent des titres comme Animal Crossing, Unpacking, Pokémon et Stardew Valley.
«C’est surtout au niveau de la jouabilité où on dénote que l’activité principale va être relaxante et très peu stressante sur l’individu», a expliqué la doctorante Laurei Mei Ross-Dionne, dont la thèse qu’elle prépare à l’Université du Québec à Trois-Rivières porte notamment sur ces jeux conviviaux.
«Mais l’idée des ‘cozy games’, c’est vraiment au niveau de l’ordre du ressenti, parce que pour un individu, un jeu peut devenir ‘cozy’ parce que ça lui procure ce sentiment-là, ça devient une zone de réconfort ou de chaleur. On est à l’autre bout du spectre.»
C’est pendant la pandémie de COVID-19 que les adeptes du jeu Animal Crossing ont commencé à se multiplier.
À une époque où le confinement nous privait de nos contacts sociaux habituels et où l’évolution incertaine de la crise sanitaire était une source importante de stress, Animal Crossing s’est démarqué du lot, a dit Mme Ross-Dionne.
«(Le jeu) a pu contribuer à faire diminuer les facteurs de stress, dans une certaine mesure, parce qu’il avait une fonctionnalité en ligne, a-t-elle expliqué. Les gens ont donc pu se regrouper, se rejoindre et créer de nouvelles communautés virtuelles.»
Jusqu’à quatre joueurs peuvent en effet cohabiter dans un des villages virtuels d’Animal Crossing, et les villages peuvent communiquer entre eux. «Il y a quelque chose de très chaleureux, de très communautaire. On est là pour bâtir ensemble», a dit Mme Ross-Dionne.
«Il n’y a pas vraiment de violence ou de combat ou quoi que ce soit, a-t-elle précisé. C’est vraiment l’idée de la gestion d’une communauté.»
Plusieurs jeux permettent une socialisation virtuelle, a poursuivi Mme Ross-Dionne, mais Animal Crossing s’y prêtait particulièrement bien parce qu’il s’agit, à la base, d’un jeu «cozy» dont le but est uniquement de décorer son île, de la rendre jolie, ou encore de pêcher des poissons. «Il y a vraiment cette idée de la routine qui s’installe», a-t-elle dit.
«De par la nature même du jeu, on n’est pas du tout dans la violence ou l’opposition, a souligné Mme Ross-Dionne. On est dans une communauté d’échanges et de bienveillance.»
Littérature scientifique
Si les jeux conviviaux représentent une catégorie bien particulière de jeux vidéo, on retrouve quand même dans la littérature scientifique de plus en plus d’études qui mettent en évidence les bienfaits des jeux vidéo en général, notamment la socialisation, l’amélioration de la concentration, du multitâche, de la mémoire de travail, de la cognition et de la régulation émotionnelle, pour ne nommer que ceux-ci.
Une étude réalisée en 2021 et publiée dans la revue JMIR Serious Games a montré que les jeux vidéo pouvaient avoir des effets bénéfiques sur la santé mentale en traitant les symptômes de la dépression et de l’anxiété. Les chercheurs de cette étude ont conclu que les jeux vidéo peuvent constituer une ressource prometteuse pour atténuer les symptômes dépressifs et anxiolytiques en l’absence ou en complément d’une thérapie traditionnelle.
Les Nations unies ont publié en 2023 une étude réalisée auprès de quelque 13 000 joueurs provenant de 12 pays, dont le Canada. L’enquête a révélé que 71 % des participants considéraient que les jeux vidéo servaient à soulager le stress et 55 % qu’ils étaient un moyen de lutter contre l’isolement. Environ les deux tiers des participants ont révélé qu’ils se tournent vers les jeux pour les aider à faire face aux défis quotidiens.
En outre, une très vaste majorité de joueurs européens ont estimé que leurs expériences de jeu ont stimulé leur créativité, affiné leurs compétences en matière de résolution de problèmes et amélioré leurs fonctions cognitives.
En revanche, une étude publiée en 2022 par des chercheurs de l’Université d’Oxford concluait que les jeux vidéo n’ont aucun impact sur la santé mentale, dans un sens comme dans l’autre.
C’est seulement lorsque le jeu devient excessif ― à savoir, lorsqu’on y consacre plus de dix heures par semaine ― qu’il peut potentiellement devenir néfaste pour la santé mentale, notamment en ce qui concerne le stress, l’anxiété et la qualité du sommeil.
On estime qu’entre deux et trois milliards de personnes jouent régulièrement aux jeux vidéo à l’échelle de la planète.