Écoles confessionnelles: division dans les rangs libéraux

QUÉBEC — La volte-face libérale sur le financement des écoles religieuses provoque des divisions au sein du caucus et dans la course à la chefferie du parti. Deux députés libéraux se sont publiquement inscrits en faux avec leurs collègues.

«Je ne soutiens pas la fin des subventions aux écoles religieuses privées qui enseignent le programme du ministère de l’Éducation et qui ne reçoivent pas de financement gouvernemental pour les études religieuses. Je continuerai à défendre cette position à l’Assemblée nationale et ailleurs», a écrit l’élue de D’Arcy-McGee, Elisabeth Prass, sur le réseau social X.

«Nos écoles religieuses privées sont un pilier essentiel de nombreuses communautés, notamment plusieurs écoles juives privées dans ma circonscription et dans les quartiers environnants. Tant qu’elles respectent les règles, elles ne devraient pas faire l’objet de menaces de fin de financement», a-t-elle ajouté.

Mercredi, lors d’un débat sur une motion du Parti québécois demandant la fin du financement des écoles confessionnelles, la députée libérale Marwah Rizqy a dit que la position de son parti venait de changer. «Nous sommes maintenant d’avis que nous devons cesser le financement des écoles religieuses au Québec», a-t-elle affirmé.

En tant que candidat à la chefferie, Frédéric Beauchemin est aussi en faveur du maintien du financement des écoles confessionnelles, affirmant que cela permet aux parents la liberté de choix pour leurs enfants, tant que ce genre d’établissement scolaire respecte le cursus du ministère de l’Éducation. Selon lui, les militants libéraux doivent être consultés sur ce genre de questions.

«Pour un élément de fond comme ça, je pense que c’est important d’écouter notre base. (…) Si on veut représenter les Québécois, on devrait commencer par être capable d’écouter nos propres membres», a-t-il affirmé en point de presse à l’Assemblée nationale vendredi.

Mais M. Beauchemin se retrouve entre l’arbre et l’écorce, car il est aussi député au sein du caucus du Parti libéral du Québec (PLQ). Il indique avoir malgré tout voté avec son parti sur la motion, car il est un «joueur d’équipe».

«PLQ et non le PLQS»

L’ex-maire de Montréal et autre candidat à la chefferie, Denis Coderre, dit avoir «un malaise sérieux et profond avec la façon et la décision dans ce dossier. En fait, je suis contre ce changement de cap».

«En tout respect, non seulement on “flush” notre passé patrimonial mais je suis assez fatigué de cette tendance absolutiste et sectaire sans discernement et sans nuance. Il est temps de se souvenir d’où on vient et surtout respecter notre passé. (…) Nous sommes le PLQ et non le PLQS… Des nuances s’imposent», écrit-il dans une lettre envoyée au chef libéral intérimaire Marc Tanguay ainsi qu’aux membres du caucus.

M. Coderre croit également que les membres doivent être consultés. «Cette question ou ce changement de cap est trop important pour que la décision finale appartienne uniquement à un caucus ou encore à un ou une critique officielle du ou des dossiers», ajoute-t-il dans sa missive, dont La Presse Canadienne a obtenu copie.

Pour l’ex-ministre fédéral Pablo Rodriguez, la «situation actuelle démontre à nouveau toute l’incompétence de la CAQ à gérer le système d’éducation et leur incohérence sur l’application de la laïcité de l’État».

«Toutes les écoles financées par le gouvernement doivent respecter les règles en place et le cursus. S’il y a de l’enseignement religieux dans les écoles privées, ça doit être le soir et la fin de semaine, c’est-à-dire hors des heures normales de classe, et payé par les parents. Point», a-t-il indiqué dans une déclaration écrite envoyée à La Presse Canadienne.

L’ancien PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Charles Milliard, propose pour sa part «la tenue d’États généraux en éducation». «Ces États généraux nous offriraient l’occasion non seulement d’aborder la question de la laïcité, mais aussi de s’attaquer aux défis urgents qui minent notre système éducatif, tels que la réussite scolaire de nos garçons», a-t-il indiqué aussi sur X.

Il est aussi favorable à un ordre professionnel pour les enseignants.

«Prendre des décisions sous le coup de l’émotion est rarement une bonne idée. L’urgence est de faire respecter nos règles, dans toutes nos écoles. La question de la laïcité est importante et les décisions doivent être prises avec calme si on veut bien faire les choses», a indiqué, aussi sur X, un autre aspirant chef libéral, l’avocat fiscaliste Marc Bélanger.

Une décision prise rapidement?

Des députées libérales contactées par La Presse Canadienne disent être à l’aise avec la nouvelle position de leur parti sur les écoles religieuses. Certaines admettent toutefois que la décision s’est prise rapidement.

«Je pense qu’on aurait eu besoin de plus de temps, mais ce temps-là, on ne l’avait pas, et probablement que l’idéal, ça aurait été de consulter les membres. Ce n’est pas la situation idéale, je ne dis pas le contraire, mais c’est ça notre réalité», a affirmé la députée libérale des Mille-Îles, Virginie Dufour.

La députée de Westmount–Saint-Louis, Jennifer Maccarone, pense aussi qu’il aurait été préférable de consulter les membres libéraux. «Dans un monde parfait, c’est ce qu’on aurait dû faire (…), mais les choses vont vite parfois à l’Assemblée nationale. Il y a des questions qui viennent sans qu’on ait la chance de valider avec tous nos militants», a-t-elle affirmé.

Le président de la commission politique du PLQ, André Pratte, veut qu’une consultation soit organisée afin de pouvoir prendre le pouls des militants libéraux, pour qu’ils puissent se positionner sur ce sujet sensible.