Le gouvernement fédéral risque une perte si l’oléoduc Trans Mountain est vendu
OTTAWA — Le gouvernement fédéral risque de perdre de l’argent sur la vente du pipeline Trans Mountain, car il estime que sa valeur est inférieure à son coût de construction, a déclaré vendredi le directeur parlementaire du budget (DPB).
L’organisme de surveillance du budget dit que l’oléoduc pourrait valoir entre 29,6 et 33,4 milliards $, selon ce qui se passera après l’expiration des contrats initiaux de 20 ans.
Entre-temps, le coût de construction de l’oléoduc qui est entré en service en mai s’est élevé à 34,2 milliards $, soit beaucoup plus que l’estimation de 7,4 milliards $ en 2017.
Le DPB dit que son analyse ne tient pas compte des coûts irrécupérables, comme les 4,5 milliards $ que le gouvernement fédéral a payé pour acheter le projet en 2018, ou des dépenses en capital avant 2024.
Le fait que le gouvernement réalise un profit ou subisse une perte dépend de ce que quelqu’un est prêt à payer pour cela, a déclaré le DPB dans son rapport, soulignant les nombreuses variables en jeu.
La vente potentielle sera influencée par le nombre d’acheteurs potentiels, leur coût pour lever des capitaux, le moment et la manière dont la vente aura lieu, les conditions du marché à ce moment-là, s’il s’agit d’une transaction sans lien de dépendance et si les groupes de rideaux sont prioritaires dans la vente, a déclaré le PBO.
Mais il a déclaré que si elle était vendue à la valeur estimée par le PBO, elle ferait face à une perte.
La société publique Trans Mountain Corp. avait des actifs de 35,2 milliards $, des passifs de 26,9 milliards $ et des capitaux propres de 8,3 milliards $ au 31 décembre 2023.
«Si le système de pipeline Trans Mountain était vendu en 2024 à l’une des valeurs actuelles calculées par le PBO, une fois les passifs en cours remboursés, le montant restant serait inférieur aux capitaux propres. TMC devrait radier le solde des capitaux propres et enregistrer une perte.»
Pour ses estimations de valeur, le DPB a déclaré que la valeur la plus élevée serait si les contrats actuels étaient renouvelés après deux décennies, tandis que la valeur la plus basse serait si le pipeline revenait à un scénario de coût de service.
Le DPB note que les scénarios décrits par la Régie de l’énergie du Canada montrent qu’il pourrait y avoir une capacité de réserve considérable dans le pipeline d’ici le début des années 2040, selon les mesures climatiques prises entre-temps.
Près de 890 000 barils expédiés par jour
Le pipeline Trans Mountain transporte du pétrole brut de l’Alberta jusqu’à la côte de la Colombie-Britannique. Son expansion a triplé la capacité du pipeline existant, ajoutant une capacité d’expédition supplémentaire de 590 000 barils par jour, portant la capacité totale du pipeline à 890 000 barils par jour.
L’expansion de Trans Mountain a mis fin — pour l’instant — aux goulots d’étranglement du transport qui ont pendant des années limité la capacité de croissance de l’industrie pétrolière canadienne. Grâce à la nouvelle capacité d’expédier des barils hors de la région productrice de pétrole de l’Ouest canadien, les entreprises ont pu ouvrir les robinets.
Maintenant que le pipeline est terminé, la production pétrolière canadienne bat des records et les économistes affirment que Trans Mountain va stimuler le PIB de la province d’Alberta et du Canada dans son ensemble cette année.
Le gouvernement fédéral a déclaré qu’il ne souhaitait pas être le propriétaire à long terme du pipeline et a déjà lancé la première phase d’un processus de désinvestissement en deux phases.
La première phase comprend des pourparlers avec plus de 120 nations autochtones situées le long du tracé du pipeline Trans Mountain pour voir si l’une d’entre elles est intéressée par une participation au capital.
La deuxième phase, dont le calendrier n’est pas encore connu, comprendra l’examen des offres commerciales.
Ce qui complique toute vente potentielle, c’est le fait que Trans Mountain Corp. est toujours en conflit avec les sociétés pétrolières au sujet des péages qu’elle souhaite facturer pour l’utilisation du pipeline.
Trans Mountain envisage de facturer des péages plus élevés pour compenser une partie des dépassements budgétaires du projet, mais les sociétés pétrolières ne veulent pas être tenues responsables des difficultés liées à la construction.
La Régie de l’énergie du Canada doit tenir une audience orale sur le différend relatif aux droits de péage au printemps prochain. Les critiques affirment que si la Régie décide que l’industrie pétrolière ne devrait pas avoir à payer la majeure partie des dépassements de coûts du projet de pipeline appartenant au gouvernement, les contribuables en seront alors responsables.
Un désastre financier et écologique
La porte-parole du Bloc québécois en matière d’environnement, Monique Pauzé, dénonce un «désastre financier et écologique» payé à même les fonds publics.
«Le gouvernement Trudeau choisit plutôt l’avenue du pétrole, dans un projet qui ne sera même pas rentable, comme nous le confirme à nouveau le directeur parlementaire du budget», a-t-elle déclaré.
Selon elle, le prolongement du pipeline Trans Mountain a triplé la capacité de transport de pétrole vers la côte Ouest et stimulé la production de pétrole bitumineux, qui est «ni plus ni moins que le pétrole le plus sale au monde».
«Rien pour aider les libéraux à atteindre leur cible de réduction de GES pour 2030 qui, comme nous l’annonçait le Commissaire à l’Environnement cette semaine, est en voie d’être complètement ratée», a ajouté Mme Pauzé.
Le chef adjoint du NPD Alexandre Boulerice a condamné lui aussi la décision des libéraux d’acheter Trans Mountain.
«Avec les libéraux, les grandes pétrolières et gazières polluent, et les gens paient la facture. Le DPB confirme ce que le NPD a dit dès le début: l’achat du pipeline TMX était une erreur monumentale qui va coûter chère à la population», a-t-il déclaré.